Terrorisme: L'Afrique en péril?

Publié le par Jean-François CURTIS

Prise d'otages au Radisson de Bamako (20/11/2015)
Prise d'otages au Radisson de Bamako (20/11/2015)

La prise d'otages en cours au Radisson Blu de Bamako au Mali, vient une fois de plus, refléter les lacunes des dispositions prises par les pays africains, dans le cadre de la lutte contre la terreur fondamentaliste. Quelques jours après les attentats de Paris, puis de ceux de Kano au Nigeria, il y a une escalade de la terreur. Chez Strategeo, nous avons consacré plus de 10 articles à la question terroriste et fait plusieurs propositions concrètes pour juguler la menace.

Les terroristes évoluent dans leur mode opératoire, tant dans sa forme que dans son fond. Oui l'objectif principal reste de propager la terreur et instaurer la Charia chez les "infidèles". Certes, l’objectif demeure depuis toujours mais il connaît bien des évolutions surprenantes, en témoigne l'ingéniosité macabre! L'exemple de la prise d'otages en cours au Radisson est édifiant. Arrivés a bord d'un véhicule immatriculé "corps diplomatique", des terroristes ont investi le Radisson puis ont actuellement plus de 150 otages. La méthode est pour le moins surprenante et efficace semble-t-il.

Nous n'allons pas commenter davantage tous ces attentats, mais nous intéresser à la réponse africaine à cette terreur galopante et insidieuse. En effet, l'Union Africaine (UA) et les organisations régionales s'organisent pour contrecarrer le terrorisme, mais cette initiative régionale reste trop timide et certainement inadaptée. Les réponses nationales qui devraient démarrer, avec l’élaboration de "stratégies nationales de lutte contre le terrorisme et la radicalisation religieuse", semblent tarder à se concrétiser. Lorsqu'un minimum de réflexion existe, alors c'est la mise en oeuvre de mesures souvent ponctuelles et réactives, qui peine à se matérialiser. Cependant, quelques pays comme le Sénégal, le Tchad et le Nigeria, émergent de cet immobilisme collectif. D'autres pays, à l'instar de la Côte d'Ivoire légifèrent pour lutter contre la terreur. Renforcer les lois pour lutter contre le terrorisme est un premier pas, mais est-ce bien suffisant?

Nous proposons donc, un ensemble de mesures diverses mais complémentaires, à considérer par les pays africains dans leur ensemble, car la menace est globale:

1/ Dans l'urgence, pour pallier aux déficits en matière de lutte contre le terrorisme, l’organisation sans délais, d'une réunion extraordinaire de l'UA, consacrée au terrorisme et à la radicalisation religieuse, pour arrêter à la lumière de la progression de ladite menace, des mesures régionales et contraignantes. L'une des mesures majeures devra être la création d'un fond spécial africain, dédié à la mobilisation de ressources pour financer la réponse multiforme africaine. Une autre mesure sera la maîtrise des frontières malheureusement poreuses.

2/ La mise en commun des forces spéciales africaines (Tchad, Afrique du sud, Kenya, etc.) pour celles qui sont aguerries, au sein d'une force régionale spécialisée et projetable. Cette force africaine devra être financée par l'UA, outillée en conséquence et constituée des meilleurs de chaque pays.

3/ L'UA devra donc définir une feuille de route de la "lutte contre le terrorisme et la radicalisation religieuse", assorties de mesures obligatoires dans chaque pays membre. Cette initiative africaine inclura: a) la définition d'une stratégie nationale cohérente et adaptée; b) la création d'unités spécialisées dans la lutte anti-terroriste; c) le renforcement des capacités des unités existantes tant d'un point de vue matériel, logistique, des équipements, qu'humain; d) L'accentuation de la collaboration bilatérale en matière anti-terroriste surtout d'un point de vue de la formation et de l'équipement; e) le renforcement des moyens de renseignement; f) la surveillance accrue des lieux de cultes; g) la création d'une cartographie des menaces potentielles dans le pays; h) la sécurisation sans délais de tous les sites stratégiques et critiques; i) l'implication de la société civile de chaque pays; j) un sursaut citoyen basé sur l'engagement citoyen dans cette lutte.

4/ Dans l'immédiat, tous les pays africains exposés directement au terrorisme devront sécuriser tous les sites touristiques et les réceptifs hôteliers les plus visités par des touristes. Cette sécurisation inclura la définition de périmètres de sécurité autour desdits sites, une fouille systématique des personnes, des scanners pour les valises et autres, la présence de militaires, gendarmes et policiers sur ces sites.

5/ Dans le court, moyen et long termes, la lutte contre la radicalisation et le terrorisme passe par plusieurs fronts: a) "l'idéologie": lutter contre les groupes terroristes est une "guerre d'influence et idéologique". Il faut donc que les pays africains proposent à leur jeunesse une alternative sérieuse à l'option radicale fondamentaliste; b) "l'influence": "emmener l'adversaire à agir selon notre bon vouloir", voilà ce qu'est l'influence et cela par tous les moyens. A ce niveau les pays africains doivent élaborer et mettre en oeuvre des stratégies de contre-influence à l'endroit des groupes terroristes qui recrutent massivement et arrivent à faire des émules par tous les moyens (réseaux sociaux, lieux de cultes, etc.); c) "l'éducation et la sensibilisation" : ce front est extrêmement important, surtout en Afrique. Il est plus que crucial que les pays africains définissent et mettent en oeuvre des stratégies de politiques de sensibilisation des populations vulnérables et plus sensibles au message prôné par ces groupes. Ces messages doivent atteindre les hameaux les plus reculés. L'éducation elle aussi est cruciale, l'ignorance et l'analphabétisme sont des creusets pour le recrutement de potentiels terroristes. Bien que DAESH ai démontré que sa capacité d'attractivité dépasse l'analphabétisme et l’ignorance avec la qualité de ses recrues; d) "la communication" : sur ce point il conviendrait que les pays africains s'engagent dans une guerre communicationnelle contre les groupes terroristes tout en mettant en avant les dispositions prises, la mobilisation citoyenne et les faits d'armes; e) "la religion": l'implication de toutes les religions dans cette lutte est importante. Les lieux de cultes doivent véhiculer un message de condamnation très clair de tous actes terroristes. Mieux, ces lieux de cultes devraient s'engager dans la lutte communicationnelle, en se démarquant catégoriquement des agissements islamistes fondamentalistes; f) "le social": la lutte contre la pauvreté, est l'un des maillons forts de ce combat contre le radicalisme religieux et ses conséquences. La pauvreté doit être mieux combattue en Afrique, pour réduire l'impact des groupes terroristes. Le relèvement de l'indice de développement humain est donc un enjeu majeur; g) "le législatif": le renforcement de l'arsenal juridique doit se poursuivre dans chaque pays, pour protéger les populations et permettre l'action des forces de sécurité; h) "le militaire": il s'agit de l'ultime recours qui lui aussi devra être mis en avant davantage et soutenu financièrement. L'infiltration des groupes terroristes, devient une priorité pour mieux les cerner, anticiper leurs actions et les anéantir de l'intérieur.

Eu égard à ce qui précède, la lutte contre le terrorisme est multidimensionnelle et complexe à entreprendre en Afrique pour plusieurs raisons, tant endogènes, qu'exogènes. Les grandes démocraties, outillées et aguerries, s'organisent et luttent depuis toujours contre la terreur. Le bilan de cette lutte est mitigé mais à saluer à bien des égards. L'Afrique doit apprendre de cette lutte menée, par l'occident mais surtout adapter sa réponse à ses réalités. Seule, l'action concertée et une mise en commun des moyens, viendront à bout du radicalisme religieux et de ses conséquences macabres!

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :