Victime et bourreau

Publié le par Jean-François CURTIS

Les récents évènements au Gabon et au Niger bien qu'ayant comme dénominateur commun la prise de pouvoir par la force (coup d'état), divergent sur les motivations. Il est risqué de vouloir rassembler tous ces coups d'état sous la même bannière mais une chose est sûre ils sont tout, sauf bénéfiques. Ceci étant dit certains sont mieux accueillis que d'autres et des populations s'en réjouissent (apparemment). Est-ce là l'essentiel? Certains parlent même pompeusement de révolution là où il y a recul et/ou inertie. Tout dépend du prisme.

Tous ces événements (Mali, Guinée, Burkina et Niger) ont également aggravé le sentiment anti-français né de la relation entre la France et les ex-colonies. Ce sentiment qui ne devrait en rien constituer le socle des revendications ici et là, se rapproche davantage de la désinformation, voir la manipulation des masses. Les crises mondiales dont la guerre en Ukraine, justifient que les puissances militaires s'entrechoquent indirectement sur d'autres continents: Tous les moyens sont bons pour diaboliser l'autre et obtenir son éviction!

J'intitule cette réflexion "Victime et bourreau" après avoir longuement muri la situation globale de notre continent africain en ce qui concerne la question de la colonisation et de ses conséquences sur nos états. Donc ce titre ne concerne que cette dimension post-coloniale et son impact. Ci-dessous ma réflexion en thèse et antithèse, approche classique mais efficace pour arriver à un début de réponse objective et constructive. 

1/ L'Afrique Victime du passé: Sur cette facette je dirai simplement que la victimisation est un processus pernicieux lorsqu'il s'étend et qu'il devient l'argument principal au 21ème siècle pour justifier des coups d'état ou ce relent anti-français. Oui la colonisation a eu du bon et du mauvais. A entendre les revendications des pseudos panafricanistes, il y a eu que du mauvais et la France est à blâmer pour tous les maux que connaissent ces pays: Entre nous, c'est un peu trop facile et léger lorsque l'on est honnête intellectuellement!

Pour ma part, les ex-colonies françaises ont souffert principalement d'un paternalisme exacerbé et d'un complexe d'infériorité pendant très longtemps. Était-ce la faute à la France ou simplement une soumission de fait? Peu importe! Le résultat est que ces pays dans leur majorité ont adopté un système politique qui ne leur convenait pas et dont les limites se sont faits vite sentir. Tant au niveau politique par la création d'élites, qu'au niveau de la gouvernance (corruption exacerbée).

Trop souvent, ce lien paternaliste postindépendance s'est manifesté en néocolonialisme avec la création d'un lien de dépendance économique vis à vis de la France. Dépendance caractérisée par l'accès aux appels à manifestation d'intérêt aux entreprises françaises en priorité par exemple.

En effet, les pays africains, francophones se sont difficilement affranchis de cette relation "du colonisateur au colonisé". La France pendant longtemps a su préserver ses intérêts, en maintenant la dépendance monétaire, économique et militaire, à travers des accords de défense. 

Alors oui, l'Afrique a été victime, mais l'est-elle encore? Peut-on valablement dire en 2023, que ce paternalisme est le seul élément qui justifie l'état de nos pays? Ces pays ont-ils été volontairement maintenus à un degré inférieur de développement par la France? La France est-elle la seule responsable de ce climat de défiance généralisé? Cela reste encore à prouver. Quoi que nous fassions, l'héritage de la colonisation sera toujours présent, à nous de nous en départir et de prendre de la hauteur. A nous, de développer notre modèle politique et de créer les conditions de son déploiement en admettant que la France n'est pas la seule responsable de ce désamour.

2/ L'Afrique Victime de ses fils: Oui! A n'en point douter, nous sommes notre propre bourreau et pour ramener à l'ordre les pseudos panafricanistes adeptes de la violence verbale ou autre, je viens ici dire que nous africains, n'avons pas su prendre nos responsabilités et avons largement contribué à cette situation de victime. Nous avons souvent trahi nos peuples en n'assumant pas avec dignité, responsabilité et civisme le développement de nos pays. Nous avons entretenu des mécanismes qui ont bénéficié pendant longtemps à des élites et qui ont conduit à une absence flagrante de redistribution des richesses.

Expliquez moi comment nos aînés ont -ils pu négocier des contrats faramineux sans jamais veiller à ce que les populations puissent effectivement en bénéficier largement? L'exemple de l'uranium au Niger est palpable, les retombées financières de son exploitation dans les caisses de l'état nigérien ont servi à quoi? Idem pour le Gabon, le Mali, le Burkina et la Guinée.

Pire, comment expliquer que toute l'aide reçu de la France, d'autres pays ou d'organismes internationaux n'ait pas pu permettre le développement économique de nos pays? Cette aide est bien allée dans les caisses du Niger, de la Guinée, du Burkina et du Mali, pour ne citer que ceux-là?

Parfois, les fils de l'Afrique ont trahi leurs peuples en n'assurant pas l'alternance démocratique par l'alternance générationnelle également! Voilà une réalité. Nous n'avons pas su créer les conditions politiques favorables à notre développement. En tout cas nous avons échoué dans bien des pays.

En outre, nous avons failli vis à vis des nôtres et en avons fait des victimes en les soumettant à la force des armes! Oui! Nous avons échoué en perpétuant des coups d'états militaires (justifiés ou pas), nous avons échoué en faisant l'apologie de l'accession au pouvoir par la tricherie et les armes! A ce niveau nous avons fait de la majorité une victime! Les populations ont-elles le choix face aux armes? Nous avons échoué en multipliant les conflits et le chaos. Plusieurs états sont donc aujourd'hui dirigés par des militaires en activité. Quel modèle que cela? Les putschistes actuels sont-ils plus crédibles que leurs prédécesseurs? Difficile à dire, étant donné qu'ils débutent pour certains, mais les signaux pour les plus anciens sont alarmants car ils se maintiennent au pouvoir et les phases de transition sont de plus en plus longues. Oui, quelques présidents ont créé les conditions de leurs départs musclés...

Pour conclure et vous l'aurez compris objectivement, le tableau n'est pas noir et/ou blanc, il est aussi gris! Soyons honnêtes avec nous-mêmes africains! Soyons en phase avec notre passé, assumons le et tournons nous vers l'avenir sans en faire un boulet qui nous suit et justifie notre incapacité à nous projeter et à nous départir de la violence. Avant que tous ces putschistes ne soient au pouvoir, le Mali, le Burkina, le Niger et le Gabon étaient bien dirigés respectivement par des maliens, des burkinabés, des nigériens et des gabonais. Alors pourquoi se heurter systématiquement à la France au lieu d'une introspection profonde? A mon avis, les pseudos panafricanistes, intellectuels qui la diabolisent, sont les premiers responsables à perpétuer le lien paternaliste qui n'existe que dans la tête des soumis et des complexés. Nous africains, défenseurs du panafricanisme éclairé et constructif,, disons Non à la manipulation des masses à des fins politiciennes et de distraction. Nous africains, sommes principalement responsables de notre échec collectif et nous fuyons cette implacable réalité. La solution est dans la transformation des esprits par le changement de paradigme: Mettons l'Homme au Cœur du Développement!

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