De la déliquescence

Publié le par Jean-François CURTIS

Chers lecteurs,

Le 6 mars 2023, j'écrivais "De la ratatouille franco-africaine" pour souligner une énième fois, l'importance du fait que l'africain assume sa grande part de responsabilité dans son histoire.

Les événements en cours au Niger, confortent cet article et m'invitent à partager avec vous ma réflexion de ce jour sur ce que j'appelle la "Déliquescence déontologique et éthique de certaines armées africaines".

Je ne suis pas ici pour refaire l'histoire du continent encore moins pour spéculer sur son avenir mais pour ouvrir le champ des possibles et surtout déclencher un élan de prise de conscience sur notre responsabilité africaine dans tous les événements que nous frappent. Je ne cesserai de mener ce combat!

Comme il est de coutume, le coup-d'état au Niger a été récupéré par des pseudos panafricanistes en quête de désordre. Comment comprendre que systématiquement tous les maux d'une société soit confiné dans un mot : "France"? Franchement incompréhensible, d'autant plus que la responsabilité première de l'échec dans la redistribution de la richesse nationale de plusieurs pays africains incombe à leurs dirigeants.

La problématique résulte donc dans ce voile épais qui obscurcit les yeux et la perception de certaines personnes, quant à prendre en main leur destin par une introspection sincère. Oui, les puissances étrangères ont leur part de responsabilité dans l'histoire, souvent peu glorieuse de nos états qui connaissent une instabilité militaro-politique récurrente, est-ce là, la voie de sortie de crise? J'en doute! Pointer du doigt l'autre alors que le mal est sous nos yeux, est une erreur fatale.

La perpétuation de coups-d'état comme seuls et uniques moyens d'assurer une alternance politique dans un pays est une voie sans issue. Les coups-d'état appellent d'autres coups-d'état. A ceux qui applaudissent les coups-d'état sachez que pendant que vous vous réjouissez, d'autres frustrés, fomentent les prochains coups-d'état. C'est un cercle vicieux. Est-ce cela que nous souhaitons pour les générations futures? Leur léguer une instabilité sociétale chronique?

Le rôle des armées n'est pas d'être acteur de déstabilisation intérieure mais d'assurer l'intégrité du territoire, de défendre les institutions et les populations contre toutes agressions. Nous assistons malheureusement ici et là, à des régimes militaires qui s'installent au nom d'une justice et d'une redistribution des richesses qui peinent à venir. Les armées de certains pays ont échoué à jouer leur rôle de ciment de la nation et de modèle. La Guinée, le Mali, le Burkina et le Niger en sont quelques illustrations. La place du militaire est dans la caserne et prêt à défendre son pays lorsque agressé. Son rôle n'est pas sur l'échiquier politique. Cette immixtion du militaire dans le politique est la porte ouverte à toutes formes d'abus et de désordre portant atteinte à l'éthique et la déontologie militaire.

Concernant la posture agressive et menaçante du Burkina et du Mali en cas d'intervention militaire de la CEDEAO pour rétablir l'ordre constitutionnel au Niger, cette menace laisse tout de même sceptique étant donné le poids militaire relativement faible de ces 2 pays en Afrique (Mali 21ème et Burkina 26ème selon Global Fire Power 2023). D'ailleurs, l'expansion terroriste ne leur permet pas d'ouvrir un autre front militaire. Enfin les populations de ces pays seraient les plus impactées par une telle manœuvre.

Relativement au jeu d'influence en cours entre plusieurs puissances étrangères en Afrique (France, Russie, Chine, Turquie etc.), ce jeu n'a pour but que de servir leurs intérêts, alors pourquoi ne pas créer un jeu d'influence propre aux états africains et arrêter de jouer au leur? La tentation de la victimisation permanente, le manque de cohésion africaine et le culte de l'irresponsabilité historique et collective. Voilà ce qui nous retient et nous n'avons aucune excuse!

Je suis de cette génération d'africains qui ne regardent pas exclusivement dans le rétroviseur pour justifier le présent mais qui sont décomplexés par rapport au passé et qui se tournent vers la prospective pour aller de l'avant. Le temps est à la redéfinition des relations entre nations, au changement de paradigme et à l'action dans les relations internationales. L'influence est une arme redoutable et nous, africains avons la capacité d'influence nécessaire pour peser dans le monde! A nous de nous en rendre compte, de créer les conditions de cette influence nouvelle et décomplexée. Prenons nous en main enfin!

Pour conclure, je propose ce qui suit: 1/ La définition d'un programme de l'Union Africaine destiné à évaluer le secteur de la sécurité dans chaque état membre et à y conduire si nécessaire une réforme en profondeur des forces armées et de sécurité. Cela pourrait constituer un préalable à toute participation dudit état membre aux activités de l'U.A. 2/ La tenue d'un symposium mondial sur les relations entre les pays africains et le reste du monde. Symposium organisé en Afrique, par les africains avec des financements africains. Ce symposium se ferait sur la base d'un paradigme nouveau pour redéfinir les rapports entre le continent africain et le reste du monde. 3/ La nécessaire appropriation par les africains, des problématiques et enjeux qui concernent en premier lieu le continent. Tant que cette prise en main, cette autonomie, cette indépendance décomplexée, ne se mettra pas en marche alors l'assistanat technique et financier perdura bien au-delà de générations de jeunes africains qui souhaitent cette responsabilisation de nos politiques. 4/ Enfin, il est grand temps d'arrêter la politique de la "main tendue" et de construire une sincère solidarité africaine. Nombre de nos pays continuent à tendre la main pour recevoir de l'aide. Une aide indispensable pour certains qui malheureusement entretien ce lien de dépendance paternaliste sur fond de céréales offertes (MDR), d'assistance financière et d'aide au développement. Comment dire à celui qui vous finance en partie de ne pas vous dicter quoi que ce soit dans votre politique interne? Pourquoi ne pas développer l'entraide entre pays africains?

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