Recherche de la Paix: contribution citoyenne

Publié le par Jean-François CURTIS

Angela Merkel s'est vue décerner le Prix Félix Houphouët Boigny-UNESCO édition 2022, ce mercredi 8 février 2023. Cette distinction internationale est grandement méritée. Cela m'interpelle à plus d'un titre et me ramène à ces années de crise en Côte d'Ivoire et en particulier à ma modeste contribution à la sortie de crise et à la reconstruction post-crise.

En effet, avec plusieurs collègues, nous avons activement mais en toute discrétion, contribué à la résolution de la crise ivoirienne entre 2003 et 2013. Je salue ici, la mémoire de toutes les victimes de cette crise. Je salue également tous ceux et toutes celles qui ont su sacrifier de leur temps et de leur santé pour arriver à un dénouement heureux, disons à l'atteinte de la paix, bien que douloureuse parfois. Il est évident et c'est aussi le propre d'un conflit, selon où l'on se situe, que l'appréciation ou la perception de paix varie d'un camp à l'autre.

L'essentiel pour moi, réside dans toutes ces leçons apprises durant ces années et aux rencontres faites avec des personnes animées par le même devoir envers la Côte d'Ivoire, qu'elles soient ivoiriennes ou étrangères. 

C'est ce modeste parcours que je tiens à partager avec vous, après plusieurs mois de silence sur mon blog car très occupé par mes fonctions actuelles, avec en ligne de mire de rappeler aux plus jeunes cette période critique de notre histoire qui bien souvent reste méconnue.

Pour commencer je distinguerais la sortie de crise de la reconstruction post-crise. Deux notions qui pourraient porter à confusion. La sortie de crise est l’ensemble du processus visant à créer les conditions nécessaires à un accord de paix entre des parties belligérantes. La reconstruction post-crise est le processus post-accord de paix durant lequel les conditions de reconstruction sociale et économique sont mises en place.

De 2003 à 2010, nous étions dans une phase de sortie de crise avec une phase difficile entre 2003 et 2007. Cette période a été marquée par un processus de Désarmement, Démobilisation et de Réinsertion des Ex-combattants (DDR) mais aussi sur la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS), processus reposant essentiellement sur la bonne volonté des ex-belligérants. La matérialisation de la sortie de crise réussie étant la tenue d'élections présidentielles en 2010.

J'étais alors responsable de la cellule de veille au sein de la Commission Nationale DDR dirigée par M. Alain-Richard DONWAHI, puis à partir de 2007, conseiller technique du Premier Ministre, membre du Département de Sortie de Crise, alors piloté par M. KOFFI KOFFI Paul, actuellement Commissaire à l'UEMOA chargé du Développement de l' Entreprise, des Mines, de l'Energie et de l'Economie Numérique.

Je retiens de cette période houleuse mais d'une richesse inégalée en enseignements, que nous avons passé des heures et des heures à plancher sur les documents techniques servant de base aux négociations diverses dans cette période mais aussi issus des différents accords obtenus entre les parties belligérantes. Je vous épargne le nombre incalculable de projets de textes, matrices et plans d'actions élaborés pour la prise en compte des questions militaires de la crise (création du Centre de Commandement Intégré etc.). Que de temps et d'énergie consacrés à rassembler les ivoiriens autour d'une même table pour le bien de tous.

Tout ce processus de sortie de crise était basé sur les accords signés (Accords de Linas-Marcoussis, Accords d'Accra, Accords de Pretoria puis Accords de Ouagadougou), mais principalement sur la notion de confiance entre les parties signataires. Pour ma part, j'ai pu constater que la confiance est la clé de voûte de tout processus de paix ou de recherche de la paix. Savoir "reposer sur les paroles de son adversaire et accompagner cette parole d'actes qui la traduisent" est le socle de tout accord de paix et de toute négociation dans ce sens. La confiance en l'autre et en sa capacité à tenir parole en dépit des pressions diverses et des circonstances constituent la force d'un négociateur. Partir en négociations dans le doute avec une méfiance exacerbée et dans un pessimiste avéré, ajoute au risque de voir toute possibilité d'un accord s'effriter. L'optimisme, le sens du devoir, l'acceptation de sacrifier des intérêts et un brin d'humanisme garantissent le succès de négociations. La convergence des intérêts des parties étant le but ultime à atteindre. Le principe de réciprocité et de construction de la confiance sont des gages de paix.

De 2011 à 2013 et bien après, nous étions engagés dans une réflexion plus profonde de Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS), caractéristique du processus de reconstruction post-crise. Les élections s'étant tenues en décembre 2010 et ayant abouti à une crise post-électorale violente, il s'agissait de reconstruire l'outil de défense et de sécurité alors démembré. Là aussi, inutile de vous dire le temps consacré à élaborer les textes cadres de la refonte du système de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire. Nous avons élaboré la Stratégie Nationale de RSS et la Stratégie de Sécurité Nationale.

De ce processus je retiens la capacité d'introspection nécessaire pour procéder à une réforme. Aucun processus de réforme ne peut aboutir sans se remettre en question. Là, réside la clé. La sincérité du diagnostic et son impartialité demeurent les bases de toute réforme réussie. La reconstruction post-crise en Côte d'Ivoire, s'est poursuivie au-delà de 2013 et se poursuit encore pour certains analystes, mais une chose est sûre, en 2017 elle n'était pas achevée, j'en veux pour preuve la mutinerie de militaires réclamant des primes promises en 2011. La prise d'armes pour des revendications traduit systématiquement l'échec ou le non aboutissement d'un processus de reconstruction post-crise. Ne l’oubliez pas.

Voilà chers lecteurs, ma modeste contribution à l'édifice de la Paix en Côte d'Ivoire. Il y a tant à dire, ce fut un honneur que de servir la Côte d'Ivoire dans ces moments troubles, pour notre bien à tous et en particulier pour nos enfants. Je reste disponible pour tout complément d'information ou partage d'expérience.

 

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