COVID19 en Afrique: du risque de soulévement populaire

Publié le par Jean-François CURTIS

Dans l'espoir que nous éviterons le pire dans cette crise sanitaire mondiale, je vous propose ma modeste contribution afin de provoquer une prise de conscience africaine sur les risques majeurs liés à une gestion inégale de cette situation qui bouleverse notre monde même les plus développés parmi nous. Il est du devoir du veilleur/analyste d'anticiper les crises et de proposer des mesures de sortie de crise en cas de leur avènement.

Pour se faire je vous propose une analyse de type scénario catastrophe. En effet au stade actuel de la crise sanitaire, inutile de dire ce qui a déjà été fait ou de ressasser le passé. Pour ma part seul l'avenir compte en la matière. Réfléchir sur le possible en se basant sur les leçons apprises. Voilà ce qu'est la prospective. 

Mon scénario catastrophe se produit dans un pays que je dénomme "X", situé en Afrique de l'ouest, d'une population de 5 millions d'habitants, évalué dans les pays à faible performance économique, ayant un taux de pauvreté de 70%. 

Ce pays connait ses premiers cas de covid19 (300 en 15 jours) et instaure alors 05 jours après (semaine1), des mesures-barrières mais aussi des mesures d'endiguement. Ci-dessous les étapes franchies:

Mois 1 : Stade de la riposte

1/ Fermeture des établissements scolaires et universitaires: a) Effet: les plus jeunes sont moins exposés au virus . b) Cause : confinement des plus jeunes.

2/ Application des mesures-barrières: a) Effet: faible progression de l'épidémie mais constat de difficultés d'exécution dans les villages et zones reculées. b) Causes: le manque de sensibilisation, l'incrédulité des populations, l'ignorance, la négligence, la pauvreté, l'insouciance et parfois l'éducation.

3/ Fermeture des frontières: a) Effet: risque faible de cas importés, maitrise partielle des cas endogènes. b) Causes: frontières poreuses permettant des mouvements clandestins de personnes éventuellement malades; hésitation dans l'exécution des mesures arrêtées (décalage de dates exécutoire etc.) favorisant la propagation du virus.

4/ Renforcement du dispositif sanitaire : a) Effet: meilleure prise en charge des cas infectés, quelques malades guéris, faible taux de décès. b) Causes: prise en charge immédiate des cas identifiés, les kits de dépistages disponibles suffisent à gérer les premiers cas et le matériel respiratoire disponible (50 appareils) permet de gérer les quelques rares cas de détresse respiratoire.

5/ Application de mesures d'accompagnement du secteur privé avec notamment un allégement fiscal, etc.. a) effet: le secteur privé inquiet des mesures insuffisantes annoncées; fermeture d'entreprises; chômage technique. b) Causes: les mesures annoncées par le gouvernement ne permettent pas d'anticiper les pertes d'emplois et la fermeture des entreprises les plus vulnérables, il s'agit essentiellement d'annonces d'intentions.

6/ Instauration d'un couvre-feu, déploiement des armées sur le territoire : a) effet: réduction de la propagation du virus. b) Cause: confinement partiel des populations sous surveillance militaire et policière.

7/ Annonce de l'instauration d'un mécanisme d'accompagnement pour les démunis: a) effet: réduire l'impact sur les plus démunis. b) Cause : gratuité de certaines denrées, packs de survie à disposition des personnes vulnérables identifiées

Mois 2 : Stade de l'enlisement

Les mesures prises au mois 1 ont des conséquences mitigées, ci-dessous le constat :

1/ Flambées des prix des denrées alimentaires et des matériels de protection (masques, gants, gels hydroalcooliques etc.) du fait notamment de la pénurie qui s'annoncent et de la forte demande. Apparition d'une économie clandestine et abus des fournisseurs;

2/ Indiscipline et incivisme de certaines populations dans le respect des mesures-barrières avec pour effet une augmentation des cas infectés;

3/ Incapacités du dispositif sanitaire à répondre au besoin de prise en charge médicale des personnes infectées notamment pour leur dépistage et leur traitement (demande supérieure à l'offre). Explosion du nombre d'infectés et réponse sanitaire insuffisante voir dépassée;

4/ Insécurité grandissante dans certains quartiers car explosion des cas de vols et d'agressions à domicile, le plus souvent perpétrés par des personnes défavorisées vivant dans une précarité avérée et ne pouvant plus subvenir à leur besoin de base (se nourrir) du fait du confinement;

5/ Les personnes vulnérables (les plus démunis, 70%) ne bénéficient d'aucun accompagnement concret même en termes de gratuité de certaines denrées ou de mise à disposition de kits de survie (riz, lait, eau, savon, fruits, etc.);

6/ Grogne chez les militaires et policiers déployés réclamant des mesures financières (primes de risque sanitaire) pour leur engagement à faire respecter le couvre-feu et le confinement des populations;

7/ Le taux de chômage atteint en 1 mois 80%, le secteur privé est en détresse, les usines et entreprises ferment;

8/ Le Gouvernement dépassé par la situation globale instaure un confinement général de la population sans exécuter des mesures d'accompagnement pour les plus démunis. 

Mois 3: Stade de la rupture

Les conséquences du mois 2 affectent la continuité des activités et ébranle le système de gouvernance étatique. Le constat:

1/ Rupture dans toutes les chaines d'approvisionnement, pénurie alimentaire de fait;

2/ Rupture dans la prise en charge médicale, les hôpitaux sont débordés, le personnel médical en insuffisance ou malade, le matériel médical est insuffisant;

3/ Soulèvement des plus démunis menant à des transgressions du confinement général, des émeutes, l'émergence de milices qui font la loi, etc.;

4/  Mutineries militaires du fait du mécontentement lié au non-paiement des primes de risque sanitaire;

5/ Les groupes terroristes sévissant dans la région profitent de cette instabilité massive et opèrent des incursions répétées sur le territoire, multiplient les attentats et séquestrent des populations.

6/ Implosion du pays, les militaires prennent le pouvoir, coup d'état et manifestations dans les rues, saccage des magasins alimentaires, agressions multiples, chaos généralisé: guerre civile!

 

Enfin, ce scénario catastrophe vise à éclairer l'opinion sur les risques réels d'un point de vue non seulement sanitaire mais également socio-économique et sécuritaire. il ne s'agit pas de faire peur. L'objectif de cet article est simplement de permettre l'anticipation. Ce scénario ne sera évité que si les mesures annoncées sont inclusives, pargamatiques, adaptées à la réalité africaine et exécutées avec célérité.

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