Afrique-Chine: perspectives à mitiger
A l'heure du 7ème Forum sur la Coopération Sino-africaine débuté le 03 septembre 2018, Pékin est sous les projecteurs et suscite toutes sortes d'analyses qui s'accordent pour l'essentiel, à faire l'éloge de cette rencontre louable pour les pays africains et leur partenaire chinois.
Faut-il pour autant, se laisser porter par cette vague d'euphorie collective sur le devenir des rapports entre le continent africain et la Chine? Le bilan partiel de ce forum affiche d'importantes intentions (plusieurs contrats signés, prêts importants, etc.) qui confirment des rapports prometteurs basés sur une coopération fructueuse et des acquis diplomatiques. Qu'en est-il réellement? Le continent ne s'enfonce-t-il pas inéluctablement dans une dette colossale vis à vis de Pékin, qui est d'ailleurs l'un de ses principaux créanciers (140 milliards de dollars depuis l'année 2000)?
Comme le disait John Adams, premier Vice-Président des Etats-Unis, " Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation, l'une est par les armes, l'autre est par la dette". Le constat est édifiant, les pays africains sont constamment en quête de financements pour leur développement. La Chine l'a si bien compris, qu'elle a fait de cette réalité de "dette et d'investissements", un instrument d'influence diplomatique et économique. Le continent est-il asservi par sa dette comme il l'a été à un moment par les armes? L'Afrique a connu la colonisation et le néocolonialisme, la Chine avec cette hégémonie assumée, décomplexée, n'est-elle pas sur la voie de la "Françafrique" dans sa dimension économique et d'influence politique? Sans aucun doute, la Chine confirme son influence politique et économique sur le continent avec la création de sa base militaire à Djibouti. En effet, les "grandes nations" dignes de ce nom, disposent d'une base militaire sur le continent africain, pour mieux sécuriser leurs investissements mais surtout comme attribut de leur puissance. L'instrument militaire sert toujours les intérêts économiques.
En outre, Pékin n'a plus de preuves à faire en matière de stratégie d'expansion politique et de conquête de marchés. Les pays africains préfèrent les conditions de prêts chinois à ceux des bailleurs classiques car beaucoup plus attractives et moins contraignantes. Le partenaire chinois, stratège confirmé, s'adapte à la réalité africaine et demeure diplomate en ménageant ses rapports. D'ailleurs la multiplication des prêts et la construction d'infrastructures majeures témoignent de cette réalité et rendre ainsi l'aide chinoise au développement plus attractive, pour preuve les 60 milliards de dollars d'aide promis par Pékin et "sans conditions" lors de ce forum.
Enfin, face à cette coopération sino-africaine considérée par certains, comme "gagnant-gagnant", nous recommandons ce qui suit: 1/ Au niveau militaire, que la coopération soit davantage dans l'assistance technique à l'instar des pays occidentaux. Les ventes d'armes et autres sont certes pertinentes, mais ne devraient pas occulter le nécessaire transfert de compétence; 2/ Au niveau culturel, Pékin affirme sa présence en territoire étranger en créant des centres culturels pour, notamment poursuivre son expansion linguistique. Ceci devrait davantage faire l'objet de partenariats dans le cadre d'échanges universitaires; 3/ Au niveau économique et financier, les pays africains devraient régulièrement évaluer l'aide chinoise et son impact sur leur développement en comparaison à d'autres partenaires économiques. Une lecture moins passionnée des échanges avec Pékin s'impose. Sur la question financière, il est urgent que la situation de surendettement s'estompe pour inscrire le développement dans la durée. 4/ Pour terminer, au niveau politique, il serait souhaitable que Pékin créé un "conseil pour l'Afrique", constitué d'éminentes personnalités africaines reconnues pour leur influence et leur expertise dans divers domaines d'intérêt pour la Chine, afin de mieux orienter son aide à l'endroit du continent. Rien ne vaut une lecture locale à une problématique locale.