Du développement humain en Afrique
Le Bhoutan, pays du "Bonheur National Brut". Vivredemain.fr
"Epoustouflant...avant-gardiste...exaltant...", ce sont les mots qui me sont venus à l'esprit il y a quelques jours en regardant, admiratif, un reportage sur le "Bonheur National Brut (BNB)", ou Gross National Happiness (GNH), paradigme introduit par le Bhoutan comme alternative ou complément d'évaluation du niveau de vie des populations d'un pays. Ce paradigme, qui repose essentiellement sur le bien-être des populations d'un pays donné, vient compléter la notion de Produit National Brut. Le Bhoutan, situé entre la Chine et l'Inde, est une monarchie parlementaire depuis 2008 qui a inscrit le BNB dans sa constitution comme indicateur pour mesurer le niveau de vie de ses quelques 800 000 habitants.
Ce concept, appliqué au Bhoutan depuis plusieurs décennies, met au cœur du développement "l'Humain". A l'instar de l'Indice de Développement Humain (IDH PNUD) qui, quant à lui met en avant de multiples critères de notation (chiffres), le BNB évalue le sentiment de bonheur que ressente les habitants (qualité). Cette approche se différencie de l'IDH par la mesure de la qualité de vie ou du progrès social à travers des critères psychologiques et une consultation (enquêtes) permanente de la perception des populations quant à la prise en compte de leur bien être dans toutes ses composantes (santé, social, éducation, etc.).
A ce jour, seul le Bhoutan utilise le BNB comme indicateur de ses performances en matière de développement. Paradoxalement, il est classé 97ème sur 156 pays selon le World Happiness Report (WHR), rapport des Nations Unies sur le Bonheur dans le monde. L’ONU mesure le bonheur à partir des critères suivants : PIB par habitant, espérance de vie et bonne santé, soutien social disponible, le degré de liberté de prendre des décisions concernant sa vie, générosité dans une société, et l’absence de corruption. Ces critères sont-ils, pour autant plus crédibles ?
Que retenir des résultats du classement 2018 du WHR ? L’analyse de ces derniers, fait ressortir ce qui suit : 1/ les pays scandinaves dominent le classement ; 2/ Les pays nordiques sont les plus heureux et les moins heureux sont les pays africains avec comme anomalie le classement de la Tanzanie (153), du Botswana (146) et du Rwanda (151), pourtant ces 03 pays affichent des performances supérieures à celles de bien d’autres pays comme le Mali (118) et la Syrie (150) ; 3/ Plusieurs pays en situation de conflit sont plus performants (Lybie 70 et Somalie 98) que des pays en paix (Kenya 124 et Afrique du Sud 105), quelle contradiction ? Les populations des pays en crise ou en conflits sont-elles plus heureuses que celles vivant dans des pays en paix ? 4/ Sur les 10 pays en queue du classement, ayant les populations les moins heureuses, l’on retrouve 07 pays africains. Quelle surprise, lorsque l’on sait que l’Irak (117) et l’Iran (107) sont mieux classés!
Ainsi, ces résultats nous interpellent sur le choix des critères de notation, mais surtout sur la difficulté à évaluer le bonheur car fluctuant selon, ce qui semble être un critère de bonheur pour l’un et pas pour l’autre. En d’autres termes, le caractère relatif du bonheur impose une prudence dans l’interprétation des résultats de ce type d’indice.
Cependant, l’indice de Bonheur National Brut, pourrait constituer une véritable alternative pour les pays africains, dans leur approche du développement en général. En effet, pourquoi ne pas introduire dans chaque pays, un Indice de Bonheur National (IBN) ? Mieux, l’Union Africaine pourrait en faire une priorité continentale et un instrument de mesure de la performance de ses états, en matière de bien-être des populations et ainsi, mieux orienter les politiques et ressources allouées au développement humain. Il est évident que pour l’instant, la culture de la consultation nationale (sondage) sur les questions de développement humain, n’est pas à l’ordre du jour des gouvernements africains, mais il faudra bien y arriver pour un développement durable et responsable.
Pour conclure, plus qu’un indicateur à calculer, l’atteinte du bonheur est avant tout une vision à traduire en politique. En Afrique, le « Bonheur pour tous » peut sembler utopique, mais encore faudrait-il commencer à y croire et y travailler plus sérieusement, pour répondre notamment aux problématiques de migration. Inscrire « l’aspiration au bonheur » des populations dans un programme gouvernemental, est un gage de développement réussi.