Mon Afrique

Publié le par Jean-François CURTIS

Il y a en chacun de nous une "Afrique". Alors l'africain que je suis rêve d'une Afrique nouvelle: "mon Afrique, responsable, consciente de sa valeur et autonome". C'est avec un sentiment affirmé de devoir envers mes lecteurs, que je décide à cet instant, de partager avec vous ces quelques idées, pour susciter des réflexions pragmatiques, holistiques et inclusives. N'hésitez donc pas à commenter ce qui suit.

J'ai été honoré de participer à deux événements cette semaine, en relation avec ma fonction de conseiller technique. L'un était une cérémonie officielle, consacrée à un transfert de technologie et de compétences liée à la détection de la déforestation. Ce transfert s'est matérialisé par la création d'un outil dénommé "Images", notamment dédié à la surveillance des forêts et l'alerte. Cette cérémonie m'a cependant laissé sur ma faim, du fait qu'une fois de plus l'Afrique soit le théâtre d'expérimentation de ce type de solution. Avons-nous expérimenté des solutions viables de restauration ou de surveillance du couvert forestier, pour en arriver à recevoir une solution d'ailleurs? Sommes-nous incapables, sur ce continent, de créer de tels outils de veille? Pourquoi toujours attendre l'assistance d'autrui? A quand le changement tant attendu par des générations pour une Afrique responsable et qui devienne ainsi respectable? L'assistanat permanent doit prendre fin d'autant plus que la croissance du continent est une réalité.  L'autre événement était quant à lui, un séminaire consacré à la bonne gouvernance du secteur forestier, où je suis intervenu comme orateur pour présenter un instrument qui révolutionnera la gouvernance du secteur des eaux et forêts en Côte d'Ivoire. Je n'en dis pas plus! Même constat, les participants étaient tous unanimes sur les causes des insuffisances identifiées dans la gouvernance du secteur mais nous nous retrouvions à nouveau à réfléchir sur des problématiques déjà examinées par le passé. Cet événement a lui aussi rappelé, que nous n'avions pas été suffisamment responsables de nos actes et qu'il était grand temps de le devenir, par une prise de conscience collective et une inéluctable prise en main! 

Ces deux événements avaient pour dénominateur commun notre irresponsabilité en tant qu'africains à sauvegarder notre patrimoine dans toutes ses dimensions. Combien de temps encore, faudra-t-il à l'Afrique pour se démarquer? Pour beaucoup le tableau n'est pas si sombre! Cette pointe d'optimisme est la bienvenue mais ne doit en aucun cas, occulter la réalité de nos insuffisances qui résident pour l'essentiel dans nos comportements et nos choix de développement. D'ailleurs, plusieurs pays africains se distinguent par leurs efforts pour contenter leurs populations, à l'instar du Rwanda. A l'opposer, d'autres se démarquent dans leurs insuffisances démocratiques et s'enfoncent tous les jours dans le désordre, la République Centrafricaine en est l'illustration.

J'ai suffisamment écrit sur la reconstruction post-crise des pays ayant connu des crises armées, mais il est primordial que les états africains se soutiennent mutuellement face aux risques d'embrasements qui guettent certaines régions. L'exemple le plus évident de ces risques d'expansion des conflits et luttes armées, est la situation au Sahel, qui tous les jours, nous rappelle l'inexorable réalité du lien entre "développement et sécurité".  Le continent n'a que trop souffert de mauvaise gouvernance, des crises militaires, du terrorisme, de crises humanitaires, des coups d'états etc.  Les insuffisances de nos états nourrissent les ambitions dévastatrices de groupes armés, puissants et nuisibles comme jamais. Les recrutements exploitent parfois les revendications des populations et leur mécontentement grandissant vis à vis de leurs dirigeants. Combien se sont engagés dans des mouvements armés ou dans des groupes terroristes par simple réaction contre un état incapable de subvenir à leurs besoins élémentaires? Cela ne justifie en rien le fait de rejoindre le camp de "la terreur" mais cela est à prendre en compte. Je l'avais plusieurs fois rappelé, nous viendrons à bout du terrorisme en Afrique par le relèvement des indices de développement comme l'Indice de Développement Humain (IDH) ou l'Indice Mo Ibrahim sur la Gouvernance. Ces indices, pour ne citer que ceux-là, sont de véritables boussoles pour nos états qui gagneraient à les traduire en "feuilles de route" du développement dans toutes ses dimensions. La porosité de nos frontières africaines vient en rajouter à l'équation sécuritaire et malheuresement est loin d'être réglée. En effet, le cas du Burkina Faso nous édifie sur la dangerosité des frontières poreuses avec toutes ces percées de groupes armés qui sévissent dans les localités frontalières en toute impunité. 

En outre, l'investissement dans le capital humain est l'unique moyen de résoudre toutes ces équations complexes qui finissent par peser sur le développement du continent. Le capital humain est trop souvent minimisé au profit des enjeux macro-économiques, financiers et infrastructurels. Il est temps que cela change!

Pour ce qui concerne les relations entre l'Afrique et les autres continents, elles s'intensifient avec le temps et s'avère surprenantes par épisode. D'ailleurs la présence russe en Afrique ne fait pas l'affaire des autres puissances! Idem pour la présence chinoise qui s'accroît et devient de plus en plus agressive dans sa dynamique expansionniste. La guerre d'influence en cours entre toutes ces puissances, reflète l'importance que revêt le continent africain tant d'un point de vue économique, que militaire pour ces pays. Alors, prenons-en conscience nous-même et construisons notre développement de nos "propres mains". Pour de nombreux observateurs, cette difficile prise en main des défis africains par les africains réside beaucoup dans l'absence de vision, de volonté et de financement. Moi je vais plus loin, c'est aussi l'absence de consensus et de concertation sur les enjeux majeurs, donc la division des africains qui perpétue cet assistanat technico-financier et qui ainsi favorise l'implantation et l'expansionnisme des puissances étrangères. 

De plus, du point de vue de l'entreprenariat en Afrique, les choses semblent évoluer dans le bon sens, les états créent de plus en plus les conditions pour l'émergence d'opportunités d'affaires, mais le meilleur indicateur de cette bonne santé entrepreneuriale reste les exemples et modèles de réussites. Le classement "Doing Business 2019" de la Banque Mondiale est un bon baromètre de cette évolution qui affiche notamment les bonnes performances de Maurice, du Maroc, du Rwanda, de la Zambie, du Ghana, du Kenya, de Djibouti, du Togo et de la Côte d'Ivoire.

Enfin, je ne puis ici épuiser tous les compartiments qui touchent au développement de l'Afrique, il y a bien d'autres secteurs qui mériteraient que je m'y attarde un peu plus, mais au risque de vous ennuyer, alors je termine en rappelant que le devenir du continent ne se fera que par les africains pour les africains. La conduite du changement des mentalités est un véritable sacerdoce en Afrique, mais il faudra bien qu'on y arrive pour une solide alternance générationnelle!

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :