Libéria: les défis du Président Weah

Publié le par Jean-François CURTIS

Le peuple libérien a élu le 26 décembre 2017, son Président issu de la première véritable alternance démocratique du pays. Ce fut également pour nombre de pays africains, une belle leçon de démocratie active. Un pays comme le Libéria divisé, meurtri et déchiré pendant des années de conflits intraétatique, a su braver après une phase de reconstruction assurée par la Présidente Sirleaf, les risques liés au refus de l'alternance démocratique et ainsi éviter la tentation du coup d'état militaire, si fréquent sur le continent. Les causes endogènes de décennies de crises et de crimes ont-elles été suffisamment prises en compte dans la phase post-crise?

Le Président Weah certes élu pour ses origines modestes et pour le symbole de la rupture avec le passé, a-t-il inscrit dans sa feuille de route pour les années de son mandat, les sujets qui pourraient constitués de véritables freins au développement de son pays, pour ne pas dire de véritables risques qui entacheraient sa présidence? A ce sujet, il a annoncé le 02 janvier lors d'un entretien, trois grands chantiers, à savoir, la lutte contre la corruption, le relèvement agricole et la rénovation des infrastructures. 

Le Libéria semble avoir tourné le dos aux années de division et de violence politique, qui ont fait des victimes dont certaines affichent encore par leurs mutilations cette histoire empreinte de haine et d'incompréhension. D'un point de vue des performances économiques et de l'environnement des affaires, le pays du Président Weah est classé en 2018 par la Banque Mondiale (Doing Business) au rang de 172ème sur 190 pays. Des efforts restent donc à faire pour relever l'attractivité du pays qui en effet, dispose d'atouts inexploités. En matière de bonne gouvernance, le Libéria peine également eu égard aux résultats obtenus avec l'Indice de Perception de la Corruption de Transparency International (2016: 90/176) et le classement Mo Ibrahim (2017: 28/54). Malgré ces scores, le Libéria performe mieux en matière de gouvernance que certains de ses voisins tel que la Côte d'Ivoire. Les défis relatifs à la bonne gouvernance au Libéria sont donc prioritaires et reposent particulièrement sur la lutte contre la corruption galopante. L'instauration d'un indice national de gouvernance contribuerait à mesurer et suivre les efforts fait dans ce secteur.

En outre, le secteur de l'économie demeure tout aussi prioritaire car le Libéria est classé neuvième, parmi les 10 pays les plus pauvres au monde (PIB le plus faible). Les défis agricoles sont si nombreux, qu'il conviendrait que le Président exige un état des lieux de l'agriculture au Libéria et des potentialités en découlant. Cet état des lieux donnerait une image précise des forces et faiblesses, mais surtout apporterait des pistes de solutions pour le relèvement agricole du pays. En ce qui concerne la santé, ce secteur est critique et nécessite de lourds investissements, qui permettront d'endiguer des épidémies éventuelles. La malheureuse expérience d'Ebola a mis en exergue l'absence d'un plateau technique adéquate mais surtout des insuffisances du système de santé libérien. La prise en charge sanitaire des populations libériennes, nécessite un plan stratégique du secteur de la santé basé sur des infrastructures idoines (dispensaires, hôpitaux etc.).

D'un point de vue de la sécurité nationale, le Libéria qui dispose approximativement de 1800 hommes répartis sur un bataillon d'infanterie et un bataillon de garde-côtes, aspire très certainement à un minimum d'autonomisation de ses forces. Largement soutenu par les Etats-Unis dans ce secteur, la diversification des partenariats est une priorité pour davantage d'opportunités en renforcement des capacités. Aussi est-il important, que les questions de criminalité transfrontalière soient davantage prises en charge et fassent l'objet de partenariats bilatéraux. Relativement à la gouvernance dans le secteur de la défense, le Libéria est classé par Transparency International, dans la "bande E" de l'Indice Anti-corruption des Institutions Gouvernementales du Secteur de la Défense (GI2015). Un mauvais classement qui mérite d'être relevé. Enfin, pour finir avec le volet sécurité nationale, il serait judicieux que le Libéria élabore ou actualise sa politique de sécurité nationale, en tenant compte davantage des menaces actuelles tant endogènes qu'exogènes et que l'accent soit mis sur le renforcement des capacités tant en formation qu'en matériels.

Pour conclure, l'Indice de Développement Humain (IDH 2016) du PNUD, classe le Libéria 177è/188 pays. Ce classement reflète les faiblesses du pays en matière d'éducation, de longévité, de santé et de niveau de vie des populations. La formulation et l'exécution d'une stratégie nationale de relèvement de l'indice de Développement Humain du Libéria, pourraient garantir un mandat positif du Président Weah et ainsi fédérer les libériens autour de lui.

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