De la "notation stratégique"
La notation financière d'un pays, demeure un outil majeur de gouvernance et un indicateur des performances dudit pays dans le domaine des finances. La vraie question aujourd'hui reste, l'impact de cette notation ainsi que son application, à d'autres secteurs autant stratégiques. Plusieurs agences de notation financière existent sur le marché (Moody's, Standard and Poor's, , Fitch Ratings, Bloomfield Investment, etc.) mais combien sont spécialisées dans d'autres secteurs que celui des finances? Notre champ de réflexion étant vaste, nous allons nous pencher sur le cas de la "notation stratégique" comme nous la comprenons, en essayant d'apporter un éclairage sur sa définition et proposer une alternative plus stratégique et plus holistique, à cette activité.
Nous appelons "notation stratégique", le principe qui consiste à établir un classement de pays, sur la base d'une notation des secteurs dits stratégiques tels que la sécurité, la défense, l'exposition au terrorisme, les finances, l'économie, la bonne gouvernance, la santé, etc... Ainsi, la notation stratégique permet d'estimer le risque que prend un investisseur, à s'implanter dans un pays en se basant sur l'environnement sécuritaire par exemple. Cette notation peut prendre la forme d'indices de sécurité, de gouvernance, de santé ou autre. Il s'agit donc d'un ensemble de critères, dont la moyenne permet de classer un pays en termes de "fréquentabilité". A titre d'illustration, nous pourrions attribuer une note de 3/10 ou C, au Mali, qui compte tenu des indicateurs que sont le niveau de sécurité, le niveau de bonne gouvernance et la performance économique, demeure un pays difficilement recommandable pour des investissements durables et sécurisés. L'instabilité du pays du fait du terrorisme et de la crise politique en cours au nord du pays, à eux seuls constituent deux critères négatifs, ne permettant pas d'objectivement recommander l'implantation d'une entreprise.
Plusieurs organismes sont déjà actifs dans le domaine de la notation stratégique. Ce sont notamment, l'Institute for Economics and Peace (IEP), Control Risks, la Fondation Mo Ibrahim, AEGIS, Transparency International, etc. Le risque politique, le risque d'intégrité (exposition à la corruption, etc.) et le risque de sécurité, sont souvent les secteurs les plus évalués par ces organismes. Le risque financier n'a donc pas le monopole des études et évaluations réalisées.
Il y a quelques mois, nous avions évalué le processus de la réforme du secteur de la sécurité en Côte d'Ivoire sur la base de critères techniques. Cette évaluation est un exercice qui rentre dans le cadre de la notion de "notation stratégique" car elle permet de noter l'état d'avancement d'une des réformes majeure dans un cadre post-crise et de reconstruction.
L'Afrique est cependant, sous représentée dans cette activité de "notation stratégique" en dépit d'un réel besoin. Nous recommandons donc, pour affirmer le rôle des africains dans la notation stratégique:
- Une appropriation nationale de la notion de "notation stratégique ", pour renforcer le dispositif de bonne gouvernance dans les pays africains et renforcer ainsi le capital confiance et transparence. Chaque pays africains pourrait créer un organisme chargé de la notation stratégique de l'action gouvernemental.
- La création de cabinets privés, africains spécialisés en notation stratégique et en "intelligence stratégique". A l'instar de groupes internationaux comme "Control Risks", "GEOS", "Amarante International" et "Aegis World".
- Une mobilisation régionale pour créer un système de notation stratégique qui noterait tous les pays africains dans tous les secteurs jugés stratégiques et nécessitant un suivi et une évaluation. Cette initiative serait idéale au niveau sou-régional avec une implication directe des organismes tels que la CEDEAO.
- L'intégration de la notation financière dans un champ plus vaste qu'est la notation stratégique.