Sécurité en Afrique: bilan 2014 et perspectives 2015
Le continent africain est au centre de toutes les convoitises économiques et regagne en attractivité. Il suffit pour cela de constater les flux financiers, les flux de voyageurs, les promesses d'investissements faites et les réalisations en 2014. Cependant, cette attractivité contraste véritablement avec les problèmes de sécurité sur le continent. Nous allons donc, brièvement faire le bilan des grandes questions de sécurité de 2014 et examiner les défis à relever en 2015. Notre analyse loin d'être exhaustive, sera axée sur des exemples précis sans pour autant occulter d'autres pays, qui auraient pu être de bonnes références pour notre article.
L'Année 2014: Bilan
1/ La persistance d'Ebola constitue la préoccupation sanitaire majeure de 2014. Nous avons dans plusieurs articles, examiner les contours de la question tant dans ses faiblesses que dans ses forces. En effet d'un point de vue de la sécurité sanitaire, Ebola a paralysé les systèmes de santé des pays affectés puis mis en exergue, le caractère obsolète des plateaux techniques desdits pays. A ce jour selon l'OMS, Ebola a fait presque 8000 morts et 20 000 cas connus. Pour l'instant, seuls trois pays (Libéria, Sierra Leone et Guinée) sont véritablement touchés par cette épidémie et sa propagation semble contenue. L'on peut donc dire, que la neutralisation de la menace que constitue Ebola en Afrique est en bonne voie, malgré une réponse internationale et régionale à améliorer. Les insuffisances relevées en 2014 ont été les suivantes: la faible mobilisation de personnel médical dans le monde; des pertes lourdes dans les effectifs médicaux des pays concernés; l'insuffisance alimentaire; la stigmatisation des familles affectées; une tardive réponse internationale d'un point de vue financier et médical; une crise éthique; un impact économique catastrophique tant pour les pays affectés que pour le pays de la CEDEAO et enfin une tardive mobilisation sous-régionale.
2/ Les mouvements terroristes ont marqué le continent par leur activisme sans précédent. En effet, AQMI (Mali, Libye et Algérie), Boko Haram (Nigeria) et Al-Shabab (Somalie) sont les trois mouvements terroristes islamistes, qui ont marqué l'année 2014. Il faut dire, que ces trois groupes ont été particulièrement actifs et ont démontré leur forte capacité de nuisance et d'adaptation à la réponse internationale. La terreur demeure l'arme de prédilection de ces groupes, mais il faut noter une métamorphose dans la stratégie utilisée par les terroristes, qui n'hésitent pas à s'engager dans des confrontations directes avec les forces de sécurité des pays agressés. D'ailleurs, il est important de souligner le caractère conventionnel de certaines attaques commises contre lesdites forces de sécurité, notamment l'attaque de bases ou de positions militaires (Mali, Nigeria et Somalie).
3/ Les tensions liées aux scrutins présidentiels de 2015 ont été perceptibles notamment en Côte d'Ivoire, au Togo, au Nigeria, en Centrafrique et au Burkina Faso où, ces tensions ont atteint leur paroxysme avec le départ de M. Compaoré du pouvoir! Le refus de l'alternance démocratique, par l'acceptation du verdict des urnes a représenté en 2014 et représente aujourd'hui, une menace sur la stabilité des pays qui organiseront des élections présidentielles cette année. Qui dit tensions électorales, dit tensions sécuritaires! En effet, le Burkina Faso aura été l'illustration même de ces tensions, qui si elles sont ignorées conduisent automatiquement à un changement politique brutal dans la violence et le désordre. La volonté manifeste de certains dirigeants africains, de se maintenir coûte que coûte au pouvoir, en révisant les constitutions pour diverses raisons, a caractérisé l'année 2014 et représente un vrai risque pour la fragile stabilité de ces pays. D'ailleurs, le cabinet de conseil Control Risks, a bien illustré dans son édition publiée en 2014, les risques sécuritaires que constituent certains pays déjà cités.
4/ Enfin, l'année 2014 aura également été marquée, par des tensions vives dans des pays africains sortant de crises politico-militaire et en pleine phase de stabilisation et de reconstruction tant économique que sociale. En effet, la Côte d'Ivoire, par exemple, a renoué en 2014 avec son image de pays fréquentable selon le rapport "Doing Business" de la Banque Mondiale. Mieux selon ce rapport, le pays est dans le top 10 des pays les plus réformateurs. D'un point de vue des investissements, l'on peut dire que les chiffres ont été positifs. Cependant d'un point de vue de la sécurité, beaucoup reste encore à réaliser, étant donné les soulèvements de militaires qui se sont produits en fin d'année 2014. Relativement à la réforme du secteur de la sécurité (RSS) en Côte d'Ivoire, il faut dire que presque 60% des réformes urgentes identifiées ont été réalisées, ce qui démontre un retard dans l'exécution du plan d'action à cet effet. Le Mali lui aussi, peine à renouer avec la normalité étant donné qu'il est dans une phase post-crise (mutinerie, mouvement séparatiste et attaques terroristes). La RSS au Mali se met aussi en place, pour repenser un outil de sécurité obsolète et paralysé depuis des années. Les tensions séparatistes restent vives et sont accompagnées par des tensions terroristes expansionnistes. Le Burundi aussi en phase de reconstruction, a quant à lui subi plusieurs attaques de rebelles provenant de RDC voulant déstabiliser le régime en place.
Pour résumer ce bilan peu élogieux d'un point de vue sécuritaire, il faut retenir que le continent a été frappé entre autres, par des crises intra-étatiques, des crises interétatiques, une montée en puissance des mouvements terroristes, des tensions pré-électorales, une épidémie dévastatrice et l'exacerbation de l'intégrisme religieux poussant à l'intolérance puis à la violence.
L'année 2015: Perspectives
Nous n'allons pas achever cette analyse, en nous arrêtant sur un lourd bilan sécuritaire pour notre continent mais voici des perspectives en ce début d'année, qui pourront permettre d'améliorer ce constat:
1/ Relativement à l'épidémie d'Ebola, nous avons déjà fait plusieurs recommandations dans nos articles précédents, mais nous pouvons en retenir quelques unes comme étant incontournables: a) le financement de la recherche contre Ebola, par les pays membres de l'Union Africaine est une priorité. b) la mobilisation scientifique africaine, elle aussi est une priorité pour lutter contre Ebola. c) la mobilisation de généreux donateurs africains doit être réalisée. d) le renforcement des plateaux techniques des pays touchés et des pays limitrophes est indispensable. e) la création d'un système de veille et de réponse sanitaire africain, contre tout type d'épidémie pouvant survenir serait souhaitable.
2/ Concernant la lutte contre l'expansion terroriste, voici quelques mesures que nous suggérons pour 2015: a) les états africains directement touchés par ce fléau, pourraient contracter avec des société militaires privées (SMP) pour bénéficier de leur expérience et de leur équipement bien souvent supérieur à celui de leurs forces de sécurité. Ces SMP étant tenus par une obligation de résultat se chargeront de faire reculer considérablement ou alors d'éradiquer la menace terroriste. b) l'implication accrue des services de renseignement occidentaux est nécessaire pour la localisation et la surveillance de ces mouvements terroristes. La mobilisation de drones dans cette implacable lutte est primordiale. c) la création d'unités d'élites spécialisées, dans la lutte anti-terroriste est nécessaire dans tous les pays frontaliers avec les pays agressés. Ces unités bénéficieraient de l'expérience occidentale en la matière. d) la mise en place de cellule de veille et d'alerte communautaires dans toutes les villes et villages des pays directement touchés, serait très utile pour anticiper les agressions. e) Le pré-positionnement d'unités militaires dans les pays concernés avec des bases avancées, pourrait contribuer à combattre plus efficacement la menace terroriste.
3/ Pour ce qui est des tensions pré-électorales liées aux différents scrutins présidentiels, nous préconisons ce qui suit pour chaque pays concerné: a) la signature d'une charte d'acceptation de l'alternance démocratique par tous les partis politiques, pour réitérer leur respect du jeu démocratique. b) la signature d'une charte d'inviolabilité de la constitution par tous les acteurs politiques, pour prévenir toute violence anticonstitutionnelle. c) l'appui de l'ONU ou de l'UA dans le suivi du processus pré-électoral et électoral par l'installation de missions de surveillance.
4/ Enfin, les tensions post-crises militaro-politiques que subissent certains pays du continent pourront être jugulées ainsi: a) la poursuite des réformes engagées dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS), dans les pays tels que le Mali et la Côte d'Ivoire. la RSS doit être suivie et évaluée régulièrement par un mécanisme indépendant, pour assurer sa cohérence et son efficacité. b) l'instauration de mécanismes viables de développement humain, permettant de lutter contre la paupérisation des sociétés africaines et ainsi réduire leur vulnérabilité. c) l'acceptation des règles de bonne gouvernance est capitale pour ces pays, qui dans un contexte de reconstruction doivent également créer un mécanisme chargé d'une part, de promouvoir l'intégrité, la transparence, l'éthique et la "redevabilité" et d'autre part, de sanctionner tout manquement à ces principes.
De façon générale, nous recommandons pour les années à venir, une nécessaire appropriation par les africains des enjeux sécuritaires qui touchent le continent, une externalisation de la sécurité d'Etat (recours aux SMP), des initiatives sous-régionales accrues et un indéfectible appui de la communauté internationale à juguler les menaces transnationales (trafic de drogue, circulation des armes légères, etc.) qui impactent inéluctablement la sécurité mondiale!