Le scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire s’est déroulé et a vu la victoire du Président Alassane Ouattara conformément aux résultats provisoires proclamés le lundi 27 octobre 2025 par la Commission Electorale Indépendante (CEI), fort d’un taux de participation de 50.10% (4.2 millions d’électeurs/8.6 millions d’inscrits sur la liste électorale).
La proclamation des résultats définitifs par le Conseil Constitutionnel est imminente et ne fera que confirmer les résultats provisoires.
L’objet de cet exercice d’évaluation de l’élection présidentielle vise à éclairer l’opinion publique sur les leçons apprises. Il s’agit donc d’une analyse objective, citoyenne, reposant notamment sur les faits relayés par la presse nationale et internationale.
L’analyse qui suit couvre la phase pré-électorale et la phase électorale (campagne et jour de vote).
De façon synthétique les faiblesses constatées dans ces 2 phases sont les suivantes :
• Climat de tension et de méfiance réciproque entre les principaux partis politiques exacerbé par de violentes joutes verbales dans la presse écrite et télévisée (dirigeants, partisans et représentants desdits partis) traduisant l’inachevé dialogue politique ;
• Absence d’une révision complète et tardive du fichier électoral, source d’inquiétude sur la représentativité et la confiance ;
• Campagne de désinformation avérée visant à instaurer une terreur psychologique chez les populations, notamment forte pression sur les réseaux sociaux avec des activistes très présents ;
• Climat de psychose chez les populations durant toute la période électorale du fait de l’effet des fake news, des déclarations faites par certains partis politiques et des rumeurs ;
• Absence des candidats du PDCI et du PPACI, déclarés inéligibles pour divers motifs avec pour impact une légitimité politique du scrutin affaiblie aux yeux d’une partie de l’opinion et d’observateurs ;
• Climat d’intimidation perçu par des opposants du fait d’arrestations de manifestants ;
• Apathie ou démobilisation d’une partie de l’électorat ainsi que le sentiment de ne pas avoir une vraie alternative ont été avérés ;
• Climat médiatique marqué par des médias ou réseaux sociaux polarisés, rumeurs, perceptions de pression sur des membres de partis politiques ;
• Taux de participation moyen (50.10%) pour une élection présidentielle, renforçant l’idée d’une partie de l’électorat démobilisé ou désillusionné ;
• Les incidents constatés ont été essentiellement dans la moitié sud du pays avec principalement des barrages routiers, des manifestations, délogements d’élèves d’établissements scolaires, actes de vandalisme, destructions d’urnes et incendies ;
• Le bilan macabre le plus cité pour les violences liées au processus électoral est d’environ 10 décès au total (dont 6 décès documentés avant le scrutin et 4 décès enregistrés le jour du vote).
Une synthèse des points forts des périodes pré-électorale et électorale se définit comme suit :
• Financement national de l’élection affichant la souveraineté du pays ;
• Sécurité renforcée sur l’ensemble du territoire avec la mobilisation de 44 000 membres des forces de l’ordre et militaires. Le caractère professionnel des forces de l’ordre a été salué ;
• Organisation logistique de l’élection : la préparation matérielle (centres de vote, matériel) et le déploiement le jour J ont été rapportés comme globalement assurés dans de nombreux lieux ;
• Présence d’observateurs internationaux (missions d’information / évaluation, ex. IRI, CEDEAO) ayant produit des rapports pré-électoraux positifs ;
• Ambiance globale du jour de vote : journée relativement calme et organisée sur l’ensemble du territoire malgré quelques points d’incidents ;
• En dépit de la psychose qui régnait, la moitié de l’électorat s’est exprimée le jour du vote, marquant ainsi une volonté nette de ne plus se laisser intimider.
Au titre de l’évaluation du scrutin, nous proposons ce qui suit :
• Administration électorale (logistique, déroulé jour J) : A /bien organisée matériellement, déroulé calme dans l’ensemble ;
• Compétition politique et équité : C /absence de candidats compétitifs ;
• Légitimité sociale / participation : B- /participation moyenne (≈50 %) et défiance d’une partie de la population ;
• Sécurité (éviter et contenir la violence) : A- /calme relatif le jour J, mais le coût en libertés civiles fût important.
En conclusion, il ressort de notre analyse que l’élection s’est déroulée plutôt calmement, l’administration électorale a rempli ses fonctions logistiques, et il y a eu un effort d’organisation. Cependant, la qualité démocratique du scrutin a été affectée par des faiblesses significatives : insuffisance de compétition, participation modérée et défi de confiance institutionnelle.
Le scrutin présidentiel a donc été marqué par une crise de maturité socio-politique qui a affecté les périodes pré-électorale et électorale, en témoignent les points faibles relevés et le fait qu’il y ait eu des décès. Un décès est un décès de trop : Aucun enjeu électoral ne peut le justifier !
Les défis pour les prochaines élections seront d’améliorer les scores obtenus sur la « compétitivité politique/équité » et sur la « légitimité sociale/participation », c’est à dire de rendre toutes les élections à venir inclusives et crédibles pour un taux de participation significatif !
Pour se faire voici quelques conditions de succès à considérer pour les prochains rendez-vous électoraux:
1/ l'instauration d'un dialogue post-électoral immédiat entre les candidats, les partis politiques absents, les religieux, la communauté internationale, la société civile et les chefs coutumiers;
2/ un appel conjoint à la paix signé par tous les leaders politiques ;
3/ la création d'un comité post-électoral pour discuter des scrutins et réformes électorales futures;
4/ la reconnaissance institutionnelle des résultats du scrutin d'octobre 2025 par tous;
5/ la mise en œuvre d'une campagne de communication citoyenne plus forte pour appeler à l'apaisement ;
6/ la lutte contre la désinformation pour contrer les fake news et les rumeurs ;
7/ le déploiement proportionné et visible des forces de l'ordre autour des sites sensibles;
8/ le renforcement des capacités des forces de l'ordre au maintien de l'ordre apaisé ;
9/ la surveillance accrue des réseaux sociaux ;
10/ l'organisation d'une marche nationale pour la paix dans toutes les villes du territoire.
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