Crises militaires en Côte d'Ivoire: quelles solutions?
Le Ministre Auprès du Président de la République, chargé de la Défense, M. DONWAHI.
La ville de Bouaké au centre de la Côte d'Ivoire, connaît sa troisième journée de "siège" depuis les manifestations des soldats mécontents. A l'heure où nous écrivons ce post, un état précis de la situation dans les autres villes n'est pas évident à établir, tant les informations sont diffuses et contradictoires. A priori, les villes d'Abidjan et de Yamoussoukro ne sont pas à cet instant touchées par cette grogne. La révolte sur Abidjan n'aura duré que 24h, car maitrisée par les autorités compétentes. Que comprendre de cet énième mouvement d'humeur qui une fois de plus affaibli l'institution militaire et décrédibilise l'autorité politique? Comment sortir définitivement de cette spirale d'incivisme?
Au mois de janvier dernier, lors de la première manifestation de mécontentement des 8400 soldats, nous avions publié un article analysant la situation mais surtout prônant modestement un ensemble de mesures pour sécuriser l'avenir. Comme disait une illustre personnalité, "on n'oublie pas le passé mais on le dépasse". L'enjeu pour le gouvernement à l'heure d'une énième grogne, celle-ci davantage violente eu égard au nombre de blessés, est de savoir si des leçons ont été apprises de la crise de janvier 2017, mais surtout qu'elles ont été les mesures de prévention mises en place pour éviter d'entacher la paix sociale?
Le Ministre Auprès du Président de la République, chargé de la Défense, a annoncé récemment les mesures prises et celles envisagées pour améliorer le quotidien des soldats. On constate donc, à la suite de l'énumération de ces mesures que des efforts ont été faits, pour consacrer une plus grande part des investissements aux conditions de travail et de vie des soldats. De la réhabilitation des casernes, au réaménagement de la chaîne de commandement, en passant par la prise en compte d'une partie de leurs revendications financières, les soldats mécontents ont reçu l'attention du gouvernement. Cependant, une rupture est donc nette entre la posture du gouvernement de janvier 2017 et celle de mai 2017. Ces dernières heures, le choix de la fermeté a été fait, pour contenir et étouffer la grogne mais surtout pour préserver la crédibilité de l'autorité politique et les valeurs républicaines.
Sans préjuger de l'issue de cette grogne concentrée sur la ville de Bouaké pour l'instant, il nous semble utile, d'humblement rappeler l'essentiel à prendre en compte pour mieux assurer la gouvernance du secteur de la défense en Côte d'Ivoire: 1/ créer un programme permanent de promotion du civisme et des valeurs républicaines au sein des casernes militaires; 2/ mettre l'accent sur la veille stratégique avec une prise en compte des indicateurs de tensions probables afin d'en anticiper les effets; 3/ extraire rapidement et conformément à la Loi de Programmation Militaire, les casernes hors des villes pour limiter l'impact d'éventuels soulèvements; 4/ créer le corps de la police militaire au sein de l'institution de défense et le doter de moyens de prévention et de répression adéquats; 5/ procéder à un vaste programme de rotation des effectifs militaires sur l'ensemble du territoire; 6/ confier aux services d'inspection et de contrôle des armées, de réaliser un audit des questions de ressources humaines et de solde dans leur ensemble; 7/ conduire de façon trimestrielle des enquêtes sur les conditions de vie des soldats et évaluer leur évolution; 8/ mettre en place des mécanismes de gouvernance des questions de grades et de carrières des militaires; 9/ créer ou redynamiser le bureau dédié au suivi des carrières des militaires; 10/ créer le référentiel des emplois et compétences du ministère de la Défense; 11/ mettre en mission les inspections et contrôles, pour assurer un minimum de veille en gouvernance, dans toutes les emprises militaires; 12/ accélérer la mise en œuvre de la Loi de Programmation Militaire particulièrement en son volet infrastructures et ressources humaines; 13/ appliquer sans complaisance la législation militaire face aux délits divers; 14/ nommer des médiateurs militaires dans chaque caserne; 15/ procéder à une évaluation de la mise en oeuvre de la Réforme du Secteur de la Sécurité et corriger ses faiblesses.