Garde nationale: quelle approche?
La multiplication des attaques terroristes sur le sol français a conduit ses dirigeants à reconstituer la "garde nationale" reposant sur la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne. Cette idée a émergé de la nécessité de soulager les unités en opérations, de mobiliser davantage d'effectifs pour armer l'opération "Sentinelle" et pouvoir ainsi réduire les risques d'attentats par une présence plus dissuasive des forces de sécurité. S'agit-il, d'une réponse idoine à la problématique de ces attaques terroristes de plus en plus évolutives et insidieuses?
En effet, des attentats à la bombe ou à l'arme de guerre, on est passé à des schémas plus pervers et imprévisibles, avec la mise en oeuvre de "loups solitaires" qui agissent donc seuls et frappent là où l'on s'y attend le moins, à l'instar du meurtre du prête français dans son église en juillet dernier. L'attaque de Nice, bien plus meurtrière que celle de Seine-Maritime, a elle aussi témoigné du caractère dévastateur des agissements des loups solitaires. Les djihadistes redoublent donc d'imagination macabre, pour transformer leur lutte pseudo religieuse, en une guerre religieuse sur le territoire français. C'est bien la première fois, qu'une religion est ainsi meurtrie directement en sa demeure depuis que les attentats ont commencé en France et dans d'autres pays. Ce mode opératoire est nouveau et vise la dislocation de l'unité française, en jouant sur la fragilité socio-religieuse qui prévaut en France, depuis les attentats terroristes menés par DAESH. S'attaquer à un représentant d'une confession religieuse, c'est dans les faits chercher à diviser pour mieux régner. La terreur et le chaos constituent pour les djihadistes "l'ordre recherché". Ils trouvent dans cette terreur propagée par tous les moyens, une forme de solution à un but ultime et affiché, à savoir une quête politique avec l'instauration de califats ici et là. Alors, la création d'une garde nationale est-elle une réponse efficace à cette terreur?
Il est prématuré d'évaluer l'efficacité des dispositifs mis en place dans le cadre de la lutte antiterroriste, tant la menace est asymétrique et multiforme. Une chose est cependant sûre, la garde nationale est une nécessité, qui non seulement soulage les effectifs engagés en opérations, mais aussi renforce la protection. De plus, n'oublions pas que la mise en place de la garde nationale repose sur les effectifs des réserves (opérationnelle, citoyenne et cyberdéfense). Potentiellement, la garde nationale française pourrait donc disposer de 200 000 hommes et femmes mobilisables en appui aux forces de l'ordre.
Le concept de garde nationale, est un concept largement éprouvé dans plusieurs pays dont les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, le Venezuela, la Tunisie et l'Ukraine. Sa renaissance dans le paysage sécuritaire français, est une innovation majeure qui marque une évolution dans l’intégration et la mixité des forces chargées de la sécurité nationale. En effet, inclure les réservistes de la police dans le futur dispositif de garde nationale française, lui donne un caractère transversal et du niveau de la sécurité nationale et pas uniquement de « défense nationale ». Le concept évolue donc vers l’inclusion. On parlera donc de réserve de sécurité nationale et pas seulement de réserve militaire.
Le modèle français de mise en place d'une garde nationale, pourrait servir à bien des pays africains qui en phase de reconstruction, sont souvent en manque de solutions pour absorber et réintégrer des ex-combattants ou miliciens. Il s'agit, d'étudier en profondeur la possibilité de créer dans ces pays, une réserve mobilisable à tout moment et au service du développement en temps de paix, à travers notamment des travaux d'intérêt général. Cette réserve ou garde nationale serait constituée de volontaires aptes et formés, soucieux des valeurs républicaines et épris de civisme. Ce vivier viendrait renforcer les dispositifs classiques de sécurité en cas de besoin.
Enfin, la création d'une garde nationale est donc une réponse à la menace terroriste à combiner avec d'autres mesures tel qu'un solide dispositif de renseignement et une stratégie de prévention inclusive.
Par Jean-François CURTIS.