Paix dans le monde: utopie ou réalité?

Publié le par Jean-François CURTIS

Indice de Paix Mondiale 2014 et Thomas Hobbes

Indice de Paix Mondiale 2014 et Thomas Hobbes

L'Institute for Economics and Peace (IEP), un think tank international renomé, a publié en aout 2014, son Indice de Paix Mondial (Global Peace Index, GPI) qui  classe 162 pays selon leur niveau de pacifisme. Il ressort de ce classement que seuls 11 pays ne sont pas en état de guerre ou en conflit (interne ou externe). 

Depuis 2008, 111 pays ont vu leur niveau de pacifisme reculer et ainsi affecter négativement le niveau de paix globale. Par contre, 51 pays se sont améliorés. Plusieurs pays ont donc réagi à cette étude, positivement ou négativement, selon leur niveau de classement. Les 11 pays qui ne sont pas en conflit sont la Suisse, le Japon, le Qatar, l’île Maurice, l’Uruguay, le Chili, le Botswana, le Costa Rica, le Vietnam, le Panama et le Brésil. Les 10 pays figurant dans le top 10 des pays les plus pacifiques sont l'Islande, le Danemark, l'Autriche, la Nouvelle Zélande, la Suisse, la Finlande, le Canada, le Japon, la Belgique et la Norvège. En revanche, les Etats-Unis sont classés 101ème/162 pays ce qui bien entendu n'est guère une surprise eu égard aux critères de classement retenus par l'IEP, à savoir:

"Perception de la criminalité dans la société/ Agents de sécurité et police/ Homicides/ Population carcérale/ Accés à des armes légéres et de petits calibres(ALPC)/ Conflit organisé (interne)/ Manifestations violentes/ Crimes violents/ Instabilité politique/ Terreur politique/ Importation d'armes conventionnelles/ Activité terroriste/ Décés dus à conflit organisé (interne)/ Dépenses militaires/ Personnel des forces armées/ Financement des missions de maintien de la paix de l'ONU/ Armes nucléaires et lourdes/ Exportations d'armes conventionnelles/ Personnes déplacées/ Relations avec les pays voisins/ Conflits combattus/ Décés par conflits (externes)."

Ce qu'il faut retenir c'est que sur la base de ces 22 critères très pertinents, l'IEP note que la tendance pacifique que l’on observait depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale s’est brutalement inversée en 2007 et que le monde est de moins en moins pacifique.

Les pays ayant participé a des conflits externes ou faisant face à des crises militaro-politique internes, sont bien évidemment moins bien classés. C'est le cas de la France (48/162) et du Mali (135/162). La Côte d'Ivoire n'est pas en reste dans ce classement, elle aussi figure parmi les mauvais élèves avec un classement de 140ème/162 pays. Voici quelques critères où la Côte d'Ivoire a obtenu une pénalisante note de 4/5 (pays classés de 1 à 5, très faible à très élevé): Perception de la criminalité, Accés aux ALPC, crimes violents et terreur politique.

Cette riche étude nous permet de faire quelques observations pragmatiques et constructives:

1/ Le classement de certains pays comme le Qatar (22/162), parmi les 11 pays n'étant pas en guerre, interpelle nécessairement. En effet, le Qatar est dénoncé comme soutien financier de plusieurs parties impliquées dans des conflits externes, notamment le Hamas en Palestine, la rébellion en Sirye et celle de la Libye et le financement du Mujao au Mali. L'indice de l'IEP ne devrait-il pas être davantage regardant sur cette question? Nous recommandons l'intégration d'un indice spécifique dénommé "Financement de conflits externes". Un tel critère ne pourrait qu'affecter négativement le classement du Qatar. Cet indice s'il est introduit, permettrait de rétablir les choses notamment pour des pays qui contestent leur classement, en apportant une touche d'objectivité supplémentaire et un relativisme nécessaire.

2/ Des pays qui ont a un moment, contribué à déstabiliser d'autres pays, devraient également être objectivement noté dans ce classement. Nous suggérons donc l'intégration d'un autre critère, à savoir, "Soutien directe ou indirecte à des conflits externes" qui classerait les pays selon leur implication directe ou indirecte et leur rôle dans certains conflits.

3/ Un critère relatif à la médiation d'un pays dans le cadre d'un conflit, devrait aussi être intégré à cet indice. A titre d'exemple, le rôle de médiateur du Burkina Faso (78/162) dans la crise ivoirienne et dans la crise malienne. Cet indice tiendrait compte de la positive implication d'un pays dans la résolution d'une crise.

4/ La question de la pérennisation de la paix dans le monde est une fois de plus mise sur la table par cette étude. L'éternelle question du bien être de l'humanité, nous ramène à l'incontournable appréciation de "la nature humaine" par Thomas Hobbes dans son oeuvre monumentale "Léviathan" (1651), qui disait que "à l'état de nature, l'homme est un loup pour l'homme, à l'état social, l'homme est un dieu pour l'homme...". Le degré de pacifisme d'une nation tient compte de tellement de facteurs, dont les intérêts géostratégiques, qu'il est important de rappeler que Hobbes dans son oeuvre citée précédemment, avait pour "projet de fonder l'ordre politique sur un pacte entre les individus, afin de faire de l'homme un acteur décisif dans l'édification de son propre monde social et politique". En d'autres termes, le 21ème siècle n'a pas encore vu l'homme passer d'un "état de nature" à un "état civil" et pour cause, la continuité de la violence d'état elle même puisant ses ressources dans la violence humaine! Tous les conflits dans ce monde ont des causes diverses mais essentiellement basées sur des intérêts expansionistes, pécuniers, économiques, religieux, ethniques ou politiques. De ce constat, n'est-il pas opportun de s'interroger sur cette dimension philosophique du "conflit"? Il nous apparait alors capital, que la question des conflits et de leurs origines et leçons apprises, demeure au coeur de la réflexion des instituts spécialisés. Plus que jamais, l'humanité à travers un projet nouveau commun, doit transcender les différences et les antagonismes, pour puiser au fond d'elle même les ressources nécessaires à l'édification d'une stratégie pour la paix! L'ONU serait alors au centre de ce renouveau de l'humanité pacifique en conduisant une étude mondiale sur la paix et ses nouveaux enjeux au 21ème siècle!

5/ Enfin, l'IEP à travers cet indice, nous permet de nous interroger sur la nature des conflits du 21ème siècle et surtout d'établir une typologie de ces conflits. Ainsi, dans un prochain article, nous vous présenterons cette typologie des conflits du 21ème siècle.

Dans l'attente de cet article, à la question posée, à savoir si la paix est une utopie ou une réalité, nous répondons que la paix est à la fois utopie et réalité, car la paix absolue n'existe pas et qu'elle est inéluctablement remise en cause dans son existence même. En effet, la paix mondiale est un mythe qui se heurte en permanence à la nature violente de l'homme.

 

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