Bonne Gouvernance: une typologie africaine?

Publié le par Jean-François CURTIS

La Bonne Gouvernance en Afrique demeure une vrai défi d'émergence pour les pays qui souhaitent offrir à leurs populations un cadre de développement digne de ce nom.

En effet, l'Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine (IIAG2014), qui classe les pays africains selon un indice de gouvernance (note/100), a développé les critères suivants de notation :  la sécurité et l’état de droit, la participation citoyenne et des droits de l’Homme, le développement économique durable ainsi que le développement humain. Ainsi l'on retient du classement 2014 ce qui suit:

Le Top 10 du classement (du 1er au 10ème) : L'île Maurice, le Cap Vert, le Botswana, l'Afrique du Sud, les Seychelles, la Namibie, le Ghana, la Tunisie, le Sénégal et le Lesotho.

Les dix pays à la traîne (du 52ème au 40ème) : La Somalie, La Centre Afrique, l'Erythrée, le Tchad, la Guinée Bissau, la République Démocratique du Congo, le Zimbabwe, la Guinée Equatoriale, l'Angola, la Libye, la Guinée, le Congo et la Côte d'Ivoire.

L'on peut aisément considérer, les dix premiers pays comme des modèles de bonne gouvernance, eu égard à leurs performances. Il serait judicieux d'examiner les mécanismes mis en place, par ces pays pour en arriver à de tels résultats. Quelles stratégies ces pays ont-ils élaboré, pour juguler toutes les formes de corruption et ainsi prétendre à l'excellence?

Après un examen succinct, des mécanismes mis en place par chaque pays du top 10, nous proposons une typologie de dispositions utiles pour atteindre "l'émergence éthique" :

1/ L'engagement de l'éxecutif à instaurer un cadre de bonne gouvernance demeure le socle de toute initiative visant à moraliser la vie publique. En effet, lorsqu'un président s'engage personnellement et fait de la question de la bonne gouvernance, un enjeu national alors les résultats suivent systématiquement. Le cas du cap vert est édifiant car l'engagement de l'ancien Président Pedro Pires, est au coeur de cette envolée du cap vert comme modèle de démocratie et de bonne gouvernance. Il y a au Cap Vert, un héritage en matière de "bonne gouvernance". Cet engagement ou implication de l'exécutif, se traduit par l'adoption d'une politique nationale de bonne gouvernance, empreinte de cohérence, de pragmatisme, de réalisme et d'inclusivité.

2/ L'appropriation nationale est l'un des facteurs clé, de toute initiative de bonne gouvernance. Cette appropriation commence certes, avec l'exécutif mais concerne tous les citoyens. En effet, c'est la mobilisation nationale, impulsée par un Chef de l'Etat et son gouvernement qui donne de la crédibilité à une telle initiative. C'est, "par l'exemple" que les pratiques de bonne gouvernance font des émules dans un pays. La bonne gouvernance, incombe et relève aussi bien de la responsabilité des gouvernants, que des gouvernés, et chacun en ce qui le concerne. Autrement dit, il revient à l’Etat comme aux citoyens, le devoir à chacun de jouer sa partition dans une parfaite symbiose, comme cela doit se faire dans un véritable Etat de droit. Le Ghana et le Sénégal sont des exemples en la matière.

3/ La mise en place d'un mécanisme institutionnel, de coordination de l'action gouvernementale, en matière de "bonne gouvernance" est un préalable. En effet, plusieurs dispositifs ont été mis en place dans les pays du top 10 du classement. La saine et cohérente coordination des initiatives nationales, à travers des programmes nationaux est une impérieuse nécessité. L'installation d'un dispositif pluridisciplinaire, de coordination de l'action en matière de gouvernance, de collecte et d'analyse de données de gouvernance reflète l'appropriation nationale.

4/ La bonne gouvernance doit être prise dans sa globalité pour être efficace. En effet, sa prise en compte partielle ne peut avoir d'effets tangibles. En revanche, l'intégration de l'Ethique, de l'Intégrité, de la Redevabilité et de la Transparence dans un programme national garantit une mise en oeuvre effective et efficace, d'une intitiative nationale en gouvernance. Ainsi, la création d'un outil d'évaluation et de contrôle du niveau de gouvernance dans un pays, est une étape vitale pour un programme de gouvernance. Nous suggérons donc, la création d'un Indice d'Ethique, d'un Indice d'Intégrité, d'un Indice de "Redevabilité" et enfin d'un Indice de "Transparence" à l'échelle nationale. La collecte de ces indices par des experts indépendants et leurs analyses, permettrait de disposer d’un classement des structures étatiques, institutions et ministères selon un système de notation de leur performance dans les domaines sus-mentionnés. Une fois ces données disponibles, alors elles serviront de baromètre à l'institution chargée de la gouvernance, pour mener son action de coordination, de contrôle, de sensibilisation et de sanction des « mauvais élèves », ceci en toute indépendance et sans ingérence de l’exécutif!

5/ Enfin, un système de suivi et d'évaluation, de l'action de ce mécanisme de gouvernance, est important pour s'assurer de la conformité des actions menées ainsi que de leur efficacité. L'indépendance d'un tel système de suivi, est capitale pour garantir la crédibilité des résultats obtenus. Ainsi, le dispositif de coordination de la gouvernance, pourrait externaliser la question du suivi de son action, auprès d'un organisme privé, indépendant, international et de référence (cabinet d'audit etc.).

Voilà en quelques mots, les cinq stratégies que nous avons identifiées et qui nous parraissent essentielles, pour faire de la question de la bonne gouvernance, "un réflexe national".

 

Dr. Mo Ibrahim, Founder and Chair of the Mo Ibrahim Foundation

Dr. Mo Ibrahim, Founder and Chair of the Mo Ibrahim Foundation

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