Sécurité en Afrique: perspectives 2018

Publié le par Jean-François CURTIS

La quatrième édition du Forum de Dakar sur la Paix et la Sécurité, s'est déroulé du 13 au 14 novembre au Sénégal. Cette édition marquée par une forte participation et de francs échanges, a abouti essentiellement sur la nécessité de mutualiser les moyens des états africains, pour faire face aux grands enjeux sécuritaires du continent, d'où l'intérêt pour des "solutions intégrées". Ce forum nous permet-il alors de conclure que la prise de conscience d'une sécurité collective à l'africaine est une réalité?

Ainsi, la mise en place de "plateformes sous-régionales" pour faire face à la menace terroriste, à l'instar de la force du G5 Sahel, qui a obtenu l'aval des Etats-Unis pour son déploiement, semble être la solution pour garantir une stabilité sur le continent. Qu'en est-il réellement? Ces initiatives collectives, permettent certes une mutualisation des moyens mais elles souffrent de limites majeures, dans leur structuration et en termes de degré d'engagement de chaque état impliqué. Pire, l'exemple du G5 Sahel témoigne des limites financières, qui demeurent les limites les plus visibles et difficiles à surmonter. Le G5 Sahel, doit son existence à la disponibilité de fonds mobilisés essentiellement à l'international. Jusqu'à quand cela sera-t-il le cas? Les limites capacitaires sont donc de véritables freins à la prise en compte effective des défis sécuritaires.

Aussi, est-il fondamental de souligner que les enjeux sécuritaires, n'ont pas connu de grands bouleversements depuis 2016, pour preuve, les efforts régionaux bénéficiant de l'appui international, encore essentiellement focalisés sur la criminalité transfrontalière, la lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime, la cybercriminalité et la violence politique (crise militaro-politique, refus de l'alternance politique, etc.). 

De plus, certains phénomènes s'accentuent, c'est le cas du terrorisme qui gagne du terrain sur le continent, notamment par une radicalisation croissante des communautés les plus vulnérables. D'ailleurs, l'une des réponses les plus efficaces à tous ces maux, reste l'autonomisation des forces responsables de la sécurité et de la défense des états africains. Nous ne cesserons d'en faire le plaidoyer étant donné que, seul un état autonome d'un point de vue de sa sécurité, peut valablement faire face à toutes les menaces qui pèsent sur sa stabilité. Malheuresement, les états africains ont trop souvent failli dans leur mission régalienne de protection des populations, en minimisant les questions sécuritaires et géopolitiques. Pire, l’absence d’une autonomisation de nos armées durant toutes ces années, les a rendues vulnérables et limitées en capacité d’action. Sur ce point, nous vous invitons à lire notre article sur l’autonomisation des armées africaines écrit le 22 novembre 2016 (à l'adresse suivante : http://www.strategeo-ci.com/2016/11/les-trois-piliers-de-la-transformation-des-armees-africaines.html).

En outre, beaucoup décrie la forte présence d'armées étrangères en Afrique, en y voyant une forme de "recolonisation du continent". Qu'en est-il? Pour prendre l'exemple de l'Afrique de l'ouest, la véritable problématique n’est pas la présence de drones militaires étrangers, dans le ciel ouest-africain, mais davantage l’incapacité tant malienne que sous-régionale à prendre le dessus sur la menace terroriste. Nous n’arrivons pas à nous défaire de l’appui occidental dans bien des domaines, notamment celui du renseignement militaire, car nous ne sommes pas suffisamment outillés et expérimentés en la matière. Ces drones sont en mission de collecte d’information et d’observation, dans le cadre de la lutte antiterroriste et seront également armés pour des missions de soutien aux troupes au sol.

La militarisation du continent africain est une conséquence de l’échec collectif, à apporter des solutions politiques à des crises militaro-politiques. Le cas du Sahel illustre cet état de fait car l'absence d'un règlement politique à la crise malienne et au désordre permanent en Libye, ont permis une montée en puissance de l'extrémisme violent, ainsi que de trafics de tout genre. Cette militarisation n’est pas une surprise pour les observateurs que nous sommes, mais n’a de réponse que dans une sortie de crise politique au Mali. La réponse idoine aux revendications séparatistes au nord du Mali déterminera donc la suite des événements. Tant que le Mali sera divisé alors la sous-région souffrira de cette militarisation et de ce terrorisme galopant notamment au Burkina et au Niger.

Enfin, l'appropriation par les africains des conflits qui minent leur continent, est un enjeu majeur pour les années à venir. Des réponses africaines aux menaces africaines, sont plus que jamais attendues, à condition que les états en soient capables bien entendu. Comme le disait le Président sénégalais lors du Forum de Dakar: « Nous devons faire très attention aux schémas que nous mettons en œuvre avant d’agir. Il faut se garder des solutions toutes faites, conçues et appliquées sans concertation avec les Africains... Les interventions sont souvent pires que le mal qu’elles étaient censées soigner ». L'externalisation de la sécurité en Afrique n'est pas un remède mais le début d'une addiction.

 

 

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