Elections en Côte d'Ivoire: un scénario à ne pas négliger!
A l'aube d'élections présidentielles en octobre prochain, les autorités ivoiriennes montent en puissance et affichent clairement leur détermination à faire régner l'ordre public. Cette détermination, est illustrée par les multiples sorties médiatiques pour rassurer les populations et pour contrecarrer les rumeurs déstabilisantes. Plusieurs mesures de sécurisation des biens et personnes sont également prévues notamment, le déploiement de la police pour un quadrillage presque parfait de la ville d'Abidjan, point névralgique des élections à venir. Le gouvernement affiche donc une solide sérénité mais cela n'exclut pas une certaine prudence.
Ceci étant dit, pourquoi les autorités s'emballent-elles à deux mois de l'échéance électorale? Il faut souligner que le gouvernement est davantage dans la réaction que dans l'anticipation. En effet, c'est à la suite de la multiplication de rumeurs et d'actes criminels (jeunes délinquants appelés "microbes"), que le gouvernement a décidé de monter au créneau et de "montrer du muscle".
N'oublions pas, que la rumeur est une arme de guerre psychologique et d'influence. A-t-on, en Côte d'Ivoire malgré les leçons du passé, compris que la guerre n'est pas que militaire? Générer une psychose au sein de la population, est un bon moyen de freiner l'affluence vers les bureaux de vote. Ou encore, la rumeur viserait aussi, en plus d'une déstabilisation psychologique, à créer une diversion en vue d'autres types de menaces. Le fait que des rumeurs persistantes circulent à deux mois du scrutin, témoigne effectivement d'un environnement national qui est relativement stabilisé!
C'est dans cet environnement, que nous abordons la problématique des élections, à partir d'un "scénario critique" qui semble plausible et à prendre avec beaucoup d'intérêt. Ce scénario, est basé sur l'hypothèse de voir trois fronts s'ouvrir concomitamment au mois d'octobre et probablement au moment des élections: 1) le "front terroriste", au nord de la Côte d'Ivoire, avec une incursion d'AQMI jusqu'aux villages et villes du nord, caractérisée par une stratégie de harcèlement des forces de sécurité et de forte propagande terroriste. L'objectif étant de fragiliser le mental des populations et d'installer la terreur pour impacter l'affluence vers les bureaux de vote; 2) Le deuxième front, que nous nommons le "front de l'ouest", serait caractérisé par l'émergence de milices n'ayant pas été désarmées durant le processus DDR et ayant des revendications politiques. Ces milices bien armées, harcèleraient les populations et les forces de l'ordre. Là aussi l'objectif étant d'impacter négativement la tenue des élections, en vue d'un report pour cause d'insécurité générale. 3) Enfin, le dernier front, serait le "front d'Abidjan", au sud, il s'agirait du front principal, le plus stratégique et décisif. Il serait caractérisé par une fronde au sein des FRCI (Forces Républicaines de Côte d'Ivoire), accompagnée de soubresauts sporadiques dans la capitale, causés par des milices. Les infrastructures critiques seraient alors ciblées. Là également, l'objectif ultime étant le report des élections ou pourquoi pas un coup de force militaire. Il ne faut pas négliger le fait que la circulation illicite d'armes est réelle. Le fait que le désarmement n'est pas pu couvrir l'ensemble des ex-combattants recensés, est également une préoccupation.
Face à un tel scénario, qui peut paraître improbable pour certains, l'anticipation est reine! La Côte d'Ivoire a-t-elle aujourd'hui, la capacité de se battre sur trois fronts simultanés? Ce scénario a-t-il été envisagé par les autorités? En effet, le cœur de la réponse à l'éventualité d'un tel scénario est le renseignement. Il appartient aux autorités compétentes, d'anticiper la menace en multipliant les moyens consacrés à la collecte, l'analyse et la diffusion de l'information critique ou stratégique. A pratiquement deux mois de la tenue du scrutin présidentiel, les autorités ivoiriennes pourraient organiser des exercices (simulations) pour préparer et évaluer la réponse à ce scénario. Le pré-positionnement de forces spéciales dans des villes stratégiques est primordial! La maîtrise des frontières est, elle aussi, un enjeu majeur dans cette période pré-électorale, afin de surveiller au mieux les flux suspects! Par ailleurs, d'un point de vue social, il faudrait multiplier les messages de sensibilisation à l'endroit des populations pour des élections apaisées mais aussi, poser des actes concrets, voir inespérés de réconciliation. Il est plus que crucial, que les ivoiriens se sentent rassurés quant à l'effectivité de leur sécurité avant, pendant et après les élections.
Enfin, nous avions le 16 mars 2015, consacré un article à la crise post-électoral de 2010, dans lequel nous analysions le mode opératoire des "camps" en présence. L'histoire étant têtue, Il serait judicieux d'en tenir compte pour éviter de replonger dans le désordre!