Trafic d'espèces sauvages en Côte d'Ivoire: faut-il s'inquiéter?

Publié le par Jean-François CURTIS

Image EAGLE Côte d'Ivoire (trafic pangolin)

L'Institue for Security Studies (ISS) a publié ce jeudi 12 avril 2018 un article très intéressant sur le trafic d'espèces sauvages en Côte d'Ivoire. L'auteur est un professionnel de l'analyse stratégique et une référence dans le domaine réflexif. Cependant, cet article bien qu'étant d'une valeur analytique incontestable, n'en demeure pas moins alarmiste et à nuancer.

L'article souligne de récents cas de trafics d'espèces sauvages (écailles de pangolins et défenses d'éléphants), tout en les mettant dans leur contexte de crimes transfrontaliers. De plus, Il identifie également les faiblesses du système ivoirien en matière de lutte contre le trafic d'espèces sauvages, notamment la propension à la corruption à l'échelle nationale qui facilite l'expansion dudit fléau. Les insuffisances tant endogènes, qu'exogènes, sont mises en avant notamment le volet législatif, qui mérite d'être renforcé mais aussi les défaillances en moyens humains, financiers et matériels au niveau du ministère des Eaux et Forêts et des autres administrations impliquées dans cette lutte.

En outre, le constat fait par l'ISS, dépeint une réalité, mais ne met pas suffisamment en exergue les efforts réalisés par l'administration forestière et faunique de Côte d'ivoire, pour lutter contre tous les trafics d'espèces sauvages. Ainsi, il est primordial de réagir à cette excellente publication, en y apportant les éléments complémentaires ci-après, qui contribuent à mieux nuancer l'analyse :

1/ D'un point de vue de la gouvernance, il est indéniable que la corruption sévit et affecte négativement l'ensemble des mécanismes de bonne gouvernance, mais il est essentiel de rappeler que le Ministère des Eaux et Forêts lancera en 2019 son indice de gouvernance du secteur des Eaux et Forêts, pour évaluer sa performance en Transparence, en Intégrité, en Responsabilité et en Ethique. Cet indice sera donc une boussole, pour mieux recadrer les actions du ministère. Pour l'instant, l'Inspection Générale des Eaux et Forêts est le département du ministère chargé de lutter contre la corruption en lien avec la Police forestière. Plusieurs missions sont conduites à cet effet sur le terrain, pour sanctionner les cas avérés de corruption. Aussi, est-il crucial de mentionner la réorganisation du ministère (par décret), qui introduit la mise en place imminente d'une Brigade Spéciale de Surveillance et d'Intervention, pour contribuer à juguler efficacement le trafic d'espèces sauvages et la corruption en découlant. De plus, la commission de discipline du ministère des Eaux et Forêts, a déjà sanctionné des cas de corruption, ce qui vient renforcer la dimension répressive ;

2/ Relativement à l'aspect législatif, il est important de souligner la mise à jour en cours de la Loi sur la Faune, qui devrait être présentée à l'assemblée nationale dans les jours à venir. Cet avant-projet de loi, vise à améliorer les mesures visant à lutter contre les différents trafics. En outre, un avant-projet de loi portant sur la protection de l'éléphant est en cours de validation. L'on peut donc valablement dire que d'un point de vue législatif, les mécanismes se mettent en place ;

3/ Concernant le déficit en moyens financiers, humains et matériels, il est à noter que des efforts sont réalisés depuis l'année dernière, pour renforcer les moyens matériels d'intervention des unités et cela sur les fonds prévus par la Loi de Programmation de Sécurité ;

4/ Du point de vue international dans le cadre de la lutte contre la criminalité transfrontalière, la Côte d'Ivoire a engagé plusieurs initiatives avec notamment, le Burkina Faso, le Ghana et le Libéria. A titre d'exemple, la mise en oeuvre du projet de conservation transfrontalière Bia-Diambarakro, entre le Ghana et la Côte d'Ivoire, cofinancé par l'Etat et le fonds Mondial pour l'Environnement ;

5/ Enfin, en ce qui concerne la coordination des actions de tous les départements intervenant dans le cadre de la lutte contre les trafics d'espèces sauvages, l'avant-projet de loi sur la faune prévoit une meilleure centralisation des actions menées par les services impliqués ;

Pour conclure, beaucoup reste à faire malgré les efforts en cours au niveau des départements concernés par la lutte contre le trafic d'espèces sauvages mais la situation n'est pas désespérée, elle nécessite juste une prise de conscience et une appropriation nationale au plus haut niveau de l'Etat de la question des trafics d'espèces sauvages. Aussi, faut-il saluer l'action des ONG et de la société civile qui contribuent efficacement à cette lutte, en interpellant les autorités nationales sur les risques et conséquences liés à ces fléaux.

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